Pourquoi Michel Houellebecq nous a lâchés

Cela fait plusieurs années que l’écrivain ne me fait plus d’effet. J’ai lu ses premiers romans avec plaisir, je ne le nie pas, mais je l’ai lâché au point de ne plus avoir même le désir de lire son dernier roman, même sous forme d’un petit plaisir coupable.

Il y a dix ans déjà, sa prose ne m’impressionnait plus. Déçu par La Carte et le territoire (prix Goncourt 2010), je trouvais qu’il était allé au bout de son inspiration : il ne lui restait plus qu’à se répéter pour se faire connaître et reconnaître par ceux qui n’avaient pas encore lu. Malgré cela, Soumission (2015) m’avait relativement plu. C’était intéressant d’imaginer la possibilité d’une islamisation de la France. La vision de l’islam n’y était pas très intelligente mais d’un point de vue romanesque, le dispositif fonctionnait plutôt bien.

En revanche, Sérotonine (2019), à mes yeux, ne présentait plus rien d’intéressant. L’auteur faisait du Houellebecq. Le personnage public devenait radicalement d’extrême-droite et il devenait évident pour tous qu’il n’avait plus rien à apporter au monde.

En ce qui concerne Anéantir (2022), la stratégie commerciale mise en place par l’auteur avait de trop grosses ficelles, cela n’avait plus aucun effet sur moi. Ce que j’ai entendu et lu dans les médias sur le roman m’a suffi pour m’en faire une idée. Le truc séduit exclusivement les gens qui n’ont pas lu les premiers romans de Houellebecq et qui n’ont pas d’appétence pour la déstabilisation qu’impliquent toute forme nouvelle, toute pensée originale, toute théorie novatrice. Houellebecq a fait le même chemin que Michel Onfray et Sylvain Tesson : il s’est laissé déporter vers la droite réactionnaire comme un voilier sans gouvernail, et il vend encore ses bouquins au petit million de Français qui ont de l’argent à ne plus savoir qu’en faire.

Sans connaître les chiffres diffusés entre professionnels de l’industrie du livre, il est facile de deviner la courbe des ventes des livres de Houellebecq : ascendante de 1994 jusqu’au pic du prix Goncourt 2010. Puis un plateau dû aux émotions provoquées par son livre sur l’islamisme paru en pleine crise terroriste. Et enfin une descente qui reste soutenue grâce au public nouveau attiré par son attachement explicite à l’extrême-droite catholique.

Heureusement pour son train de vie, Houellebecq détient ce qu’il faut pour attirer le public des gens riches, le seul encore capable d’acheter des livres : une célébrité durement acquise, des idées de beauf, une pensée facile à comprendre, une image de marque, une réputation, et enfin des livres-objets de qualité pour décorer les intérieurs cossus.

Ses revenus peuvent donc être assurés pendant encore vingt à trente ans avant que son oeuvre ne sombre dans l’oubli.

Recension de mon livre dans la revue « Moyen-Orient »

C’est avec plaisir que je relève ce compte rendu de lecture de mon Birkat al Mouz, livre que j’ai fait paraître au retour de mon séjour en Oman.

Je ne sais qui a écrit cet article, mais c’est une personne à la fois bien et mal informée. Il y est fait mention que j’enseignais la philosophie et les lettres, or, pendant six ans dans le monde universitaire du Golfe persique, je n’ai pas enseigné la philosophie aux Omanais, ou si peu.

Cela n’a pas d’importance pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup. J’ai pris soin de ne jamais dire, dans ce livre, que j’étais enseignant chercheur. Je ne voulais justement pas que ce soit perçu comme un « livre de prof », ou un « récit d’expatrié ». Je fais passer mon narrateur pour un reporter à un moment donné, car le journalisme indépendant était mon gagne-pain avant de m’envoler pour l’Arabie heureuse, et aussi parce qu’un reporter a plus que d’autres l’occasion de rencontrer des gens appartenant à toutes les strates d’une société. Or mon livre parcourt un large spectre de la société omanaise, même s’il se concentre sur une région assez délimitée du pays.

À part cela, je ne connaissais pas cet organe de presse, je n’ai aucune idée de leur ligne éditoriale. Je ne peux pas donc pas juger de la mesure dans laquelle mon petit récit peut servir d’alibi pour telle ou telle option politique.

Les billets les plus lus en 2022

En 2022, c’est la page d’accueil qui a remporté de loin les plus de suffrages. Cela signifie que la plupart des visiteurs de ce blog viennent prendre des nouvelles. Quand mon blog était mieux référencé dans les moteurs de recherche, les visites étaient bien plus nombreuses et la plupart des visiteurs n’étaient pas des habitués. La précarité du sage était une plateforme où se croisaient des gens qui avaient été guidés au fil de leur recherche sur tel ou tel de mes articles. Des billets vieux de plusieurs années redevenaient populaires. Le changement d’adresse qui a eu lieu en 2020 a tout changé et ce blog est devenu un espace confidentiel, pour happy few. Cela n’est pas exactement une mauvaise nouvelle, mais c’est une donnée à prendre en compte.

Puis viennent les billets les plus lus : gros succès pour L’Harmattan, à ma grande surprise. On comprend aisément la raison de ce succès. Chaque année, des milliers d’auteurs cherchent vainement à publier un manuscrit et j’ai offert dans ce billet un témoignage précieux pour ces auteurs en quête d’éditeurs.

Je note, sans savoir si cela est satisfaisant ou non, que mes critiques sur les écrivains du voyage se font la part belle dans le classement. Mais il s’agissait surtout de critiques politiques, pas vraiment des analyses littéraires, où je croyais humblement exceller.

2022 fut une année d’élection présidentielle, ce qui explique la tonalité politique du palmarès : Mélenchon, Zemmour, Onfray, le racisme, la place de l’islam, il y a peu de sagesse précaire et peu d’humour dans tout cela. Peut-être suis-je devenu moins drôle au fil des années, et moins précaire.

Mention spéciale pour les Journées du Matrimoine. Le travail artistique de Michel Jeannès a su capter une attention méritée, même en pleine élection présidentielle.

Pourquoi je ne fais pas grève le 19 janvier

Je soutiens les grévistes mais je ne fais pas la grève moi-même. Je suis donc dans une situation intellectuellement inconfortable, car je ne saurai pas que répondre à ceux qui me diront : « Salaud, pourquoi n’es-tu pas solidaire avec nous ? » Il est vrai que les mouvements de grève actuels n’entrent pas en écho direct avec les pauvres combats de la sagesse précaire. Partir à la retraite à 62 ou 64 ans, c’est un problème que je comprends mais auquel je ne me sens pas attaché.

L’inconfort intellectuel, il faut dire, c’est un peu le lot consubstantiel de la sagesse précaire. A-t-on jamais vu un SP confortable ?

La carrière d’un sage précaire se fait en pointillés, hors des clous, en zigzag, et ne profite pas des avantages de la vie sédentaire. Un sage précaire n’a pas les mêmes droits qu’un fonctionnaire de la république. Mon parcours est trop chaotique pour que je puisse prétendre un jour bénéficier d’une retraite par répartition. Ni à 62, ni à 64, ni à 67 ans, jamais le sage précaire ne profitera d’une confortable pension, car il a trop vécu comme un punk qui clamait en chuchotant : « no future« .

Les gens comme le sage précaire sont assez nombreux, qu’on ne s’y trompe pas. Obligés de s’expatrier pour trouver de quoi vivre, ils traînent leur joie de vivre dans des pays magnifiques, des oasis fertiles et des plages paradisiaques pour espérer être mieux payés qu’en France. Ces gens font des calculs tordus pour conduire leur projet professionnel et finissent dans un trou perdu. Ils payent leur insouciance en acceptant un statut insécure et une seule certitude : ils n’auront aucune retraite.

Cela m’empêche-t-il de faire la grève par solidarité avec mes chers collègues qui, eux, couleront des jours confortables après 65 ans ? Non, ce n’est pas cela qui m’en empêche.

J’ai honte de le dire car la raison qui me pousse à aller bosser plutôt que de manifester n’est pas glorieuse. J’ai longtemps hésité avant de me confesser sur ce blog. Mes lecteurs fidèles risquent de me mépriser et de se détourner de moi. Or que serait La Précarité du sage si la sincérité et l’honnêteté ne coiffaient pas les élucubrations fantasques du personnage ici mis en scène ? J’avoue ne pas faire grève pour entretenir une réputation d’employé modèle aux yeux de ma hiérarchie. J’en ai vraiment honte car ce réflexe n’est pas digne d’un sage précaire punk et postmoderne, mais c’est la triste vérité.

Je ne me suis même pas renseigné pour savoir ce qu’il en était de mes émoluments en cas de grève, je ne suis au courant de rien. Je me suis seulement dit, comme un esclave des temps modernes : « Va travailler mon garçon, et donne le meilleur de toi-même, car cela augmentera tes chances de t’en sortir dans la vie, de survivre quand il faudra survivre, de trouver le bon job quand celui-ci apparaîtra. »

Naturellement, cela est facilité par le fait que j’aime mon travail et que j’adore enseigner la philosophie. Comme Alain le disait à propos de l’artiste qui contemple son oeuvre en train de se faire, le sage précaire est le spectateur de son propre cours. De ce fait, je suis impatient de savoir ce que donnera la leçon sur le langage que je commence aujourd’hui. Et c’est dans cette attente de spectateur Netflix que je me rends en salle de classe, plutôt que dans les défilés de manifestants.

7 janvier, retour sur les attentats de Charlie Hebdo

En janvier 2015, j’avais déjà écrit ma gêne concernant l’émotion et la récupération qu’avaient suscités les attentats meurtriers.

Des années auparavant, j’avais aussi écrit dans ce blog le malaise que m’inspirait la direction de Charlie Hebdo, combien ce journal avait trahi la satire. Vous allez me dire que les deux événements n’ont rien à voir. Je n’en suis pas si sûr. Si ce journal était resté le brûlot anarchiste qu’il avait été, il n’aurait pas spécialement attiré la colère des terroristes. Il a attiré l’attention des activistes islamistes lorsqu’il a voulu publier, en solidarité avec un journaliste danois, les caricatures qui avaient fait scandale. Or cette solidarité et ce combat pour la liberté de la presse devaient être menés par des publications d’information, pas des journaux satiriques. Le journal satirique charrie avec lui sa propre outrance, ses propres interdictions, sa propre confrontation avec la censure.

En 2023, je note que le malaise ne désépaissit pas. Voici ce que le maire socialiste (tendance Hollande, Cazeneuve et Delga, si vous voyez ce que je veux dire) de Montpellier écrit sur les réseaux sociaux pour commémorer les attentats :

#ToujoursCharlie, à la mémoire des victimes du fanatisme islamiste qu’il faut combattre avec résolution, sans relativisme, dans la clarté des principes républicains. En bannissant le terme islamophobie, pour mieux combattre l’intolérance, et défendre la liberté d’expression.

Mickaël Delafosse, 7 janvier 2023

Dès la lecture de ce post, j’ai ressenti une forme de dégoût sans savoir d’où il venait. Voici brièvement :

  1. Pourquoi préciser que le fanatisme est « islamiste » ? Est-ce si important que cela ? Les morts seraient-ils moins morts si le fanatisme avait été d’un autre bord, comme les Kurdes assassinés il y a quelques jours ?
  2. Que veut-il dire par « sans relativisme » ?
  3. Pourquoi diable mentionner le terme d’islamophobie ? Dans ce contexte, quelle est donc sa justification ?

À trois reprises, dans cette maigre prise de parole, l’élu centriste méprise et pointe du doigt les Français de confession musulmane. Son post maladroit crée un lien explicite entre islam et terrorisme, comme d’autres font des liens entre France et colonialisme, homme et violeur, blanc et raciste. Plutôt que d’être simplement universaliste, comme un républicain modeste, il nous envoie un message de connivence, à nous les majoritaires privilégiés, nous qui sommes blancs, qui ne vivons pas dans des quartiers défavorisés, qui jouissons d’une éducation supérieure. Il nous dit : « Vous pouvez continuer à être racistes du moment qu’au lieu d’Arabes vous employez le mot « musulmans ».

Utiliser la mort et la mémoire des géniaux Cabu, Charb et Wolinski pour diffuser ce genre d’idées.

L’héroïsme silencieux des professeurs en France

Image de colloque pour illustrer un conseil de classe
Image d’un colloque tenu à Lyon en 2022 pour illustrer un texte sur les conseils de classe, car je n’ai pas d’image de conseil de classe. Je ne pense pas avoir l’audace de demander à mes collègues l’autorisation de prendre une photo lors des conseils de fin de trimestre.

Comme les médias nous disent que l’éducation nationale est devenu un véritable cloaque, et que le niveau intellectuel de notre école s’est littéralement effondré, je m’attendais à voir en France des professeurs blasés, déprimés, désinvestis, méprisés et exsangues.

Or, la semaine qui a précédé les vacances de Noël, j’ai assisté à trois conseils de classe, correspondant aux classes de terminale auxquelles j’enseigne la philosophie.

Bon, moi, j’étais là comme un touriste, je venais les mains dans les poches car j’étais nouveau et remplaçant ; j’écoutais et donnais rarement mon avis. Mais les autres, ceux qui sont en poste dans ce lycée depuis des années, il fallait les voir. C’était tout à fait instructif de les entendre parler de chaque élève, de peser le pour et le contre avec soin et bienveillance. Tous passaient des heures de soirée à évaluer, à encourager, à écrire et réécrire des bulletins pour coller au plus près de ce que chaque élève méritait de recevoir comme message.

C’était presque émouvant de voir tant d’individus ayant suivi des formations de si haut niveau et étant payés en coups de pied aux fesses, réunis dans une même classe, si tard dans la journée, et passant tant de temps à s’occuper de l’instruction, de la santé, du bien-être et de l’avenir de tant d’élèves.

Je n’ai jamais vu autant de soin et de professionnalisme portés aux apprenants, et ce dans une bonne humeur et un respect remarquables. Les institutions où j’ai travaillé ces vingt dernières années n’avaient, par comparaison, rigoureusement rien à faire des étudiants. Nous passions un temps considérable à produire des documents administratifs, ça c’est certain, mais dans le seul but de nourrir une machine hiérarchique aveugle et dans l’espoir que l’institution en question réussisse son accréditation ou progresse dans les classements internationaux. La pression était épouvantable et le harcèlement érigé en art de vivre. Mais l’indifférence aux apprenants et au niveau d’enseignement était total. En lieu et place du soin dû aux étudiants, nous donnions des bonnes notes imméritées qui permettaient d’acheter le silence des familles et d’améliorer les statistiques. L’accent était exclusivement porté sur les myriades de rapports à écrire, de calculs sibyllins à mettre en avant, de chiffres à saisir, de telle manière et surtout pas de telle autre manière. Et tout ce travail était sans corrélation avec le savoir à transmettre, la progression des élèves, ou l’élaboration de la connaissance.

En France, dans les lycées publics, ce que je vois me redonne de l’espoir dans l’éducation et l’instruction. Quand on sait que le corps enseignant travaille pour un traitement qui confine au bénévolat, on peut prendre cette communauté comme exemple de bienveillance sociale. On devrait peut-être prendre les profs de l’éducation nationale comme objet d’études sociologique, politique et économique : comment un groupe humain peut trouver en lui-même assez de ressources pour apporter aux enfants d’une nation un niveau d’instruction étonnant compte tenu des bâtons que les dirigeants politiques s’obstinent à leur mettre dans les roues.

Bilan de mon immersion dans l’éducation nationale : le niveau des élèves ne monte ni ne baisse

Image générée quand j’ai saisi les mots « Classe de Philosophie ». Photo de RODNAE Productions sur Pexels.com

Nous sommes entre Noël et le jour de l’an. Le sage précaire est en vacances, comme tous ses collègues professeurs. Il professe la philosophie en classe terminale depuis septembre 2022 dans des lycées de France et d’ailleurs. Trois mois d’expérience qui autorisent un petit bilan d’étape.

Que peut-on penser des élèves français des années 2020 ? Doit-on se lamenter sur l’état de notre « école républicaine » ? Le niveau baisse-t-il à un point tel qu’on ne reconnaîtrait plus son pays ?

Après trois mois de travail intense dans l’enseignement de la philosophie, je n’ai pas lieu d’être catastrophé. Les élèves que j’ai eus jusqu’à présent sont sympathiques et bien élevés, et le sont davantage dans le public que dans le privé, je tiens à le dire. Dans le privé, on entend une petite musique néolibérale qui nous susurre à l’oreille que les profs sont au service des familles qui ont payé les inscriptions. Par conséquent, nous sommes encouragés à être très fermes sur la discipline et coulants sur les notes. Les parents aiment les punitions et les retenues, mais ils veulent bien les arrangements entre amis qui permettent à leurs rejetons d’avoir le bac sans en avoir le niveau.

Les élèves du lycée public sont très agréables et malgré des classes trop chargées je ne constate pas d’effondrement du niveau scolaire des Français. Si je les compare avec la classe dans laquelle j’ai été initié à la philosophie, en 1990-1991, je ne peux pas dire qu’ils soient plus stupides aujourd’hui que nous l’étions il y a trente ans. En revanche, en toute modestie, les cours semblent meilleurs : je pense être un meilleur professeur de philosophie que celui que j’avais en terminale dans la région lyonnaise. Il était débutant, si j’ai bonne mémoire, et ne savait pas expliquer les choses avec autant de clarté que moi.

Les élèves cévenoles d’aujourd’hui sont donc tout aussi intelligents que ceux d’hier. Ils sont aussi capables de grandes choses que ceux du siècle dernier. Je suis en train de corriger une centaine copies d’une dissertation (que les élèves ont écrite en devoir surveillé pour éviter le plagiat et la tricherie.) Les notes que j’ai distribuées donnent un aperçu de mon sentiment en la matière. J’ai donné un 19/20, cela dit assez combien je suis satisfait des efforts de certains. Bien entendu, il y a de mauvaises copies, et la majorité se trouve autour de la moyenne. Mais outre le 19, j’ai donné deux 18, quatre 17, cinq ou six 16, une poignée de 15, et ainsi de suite jusqu’au peloton qui tourne entre 9 et 11, et les lanternes rouges qui pourront se réveiller plus tard si elles le souhaitent.

Pas si mal pour un exercice, la dissertation philosophique, qui est sans conteste le plus difficile et le plus exigeant de toutes les humanités françaises.

Note interne à destination de mon ministre de tutelle:
Pap, quand la philosophie disparaîtra de notre cursus scolaire, ce point de comparaison entre les élèves des deux siècles aura aussi disparu. À bon entendeur salut.

La précarité du sage, Noël 2022.

Le terrorisme en charentaise

Vendredi dernier, un vieil homme a encore tué trois personnes d’origine kurde à Paris, en plein jour. La presse hésite à employer les termes d’ « attentats » et de « terrorisme ». En revanche, quand un mec de banlieue se bagarre, tue ou viole quelqu’un, l’hésitation n’est plus de mise et on parle aisément de jihadisme.

Disons les mots, on assiste à l’émergence d’un terrorisme du troisième âge tout à fait intéressant. Un jour, on trouvera des lambeaux de textes qui nous mettront sur la voie d’une doctrine cohérente.

Chef de file des identitaires médiatiques, Eric Zemmour doit en toute hypothèse se trouver au centre de leur doctrine terroriste. En effet, le journaliste d’extrême droite théorise le fait que l’ensemble des actes délictueux commis par des musulmans, depuis le simple crachat jusqu’à l’attentat suicide, ressortit à la religion musulmane et à la volonté d’exterminer les juifs et les chrétiens. Ce ne sont jamais des faits divers mais des « actes de guerre ». Nos vieux terroristes ont été convaincus par ces théories imbéciles et se sont dits : « Je dois faire ma part dans cette guerre de civilisation. Si je tue quelques musulmans, et que tous les retraités font comme moi, avec l’aide de Zemmour, de Michel Onfray et d’Elizabeth Levy pour justifier nos crimes, normalement ça devrait le faire. »

Ces vieux Français qui sortent de leur fauteuil en charentaises pour aller buter des innocents, on les connaît bien maintenant. Ils sont nombreux à avoir fomenté des attaques et même à être passés à l’acte. Nous sommes dans un film de Clint Eastwood tourné par Nakache et Toledano. Des vieux racistes passent leur retraite à regarder des vidéos de polémistes nationalistes, des émissions de CNews où l’on déverse quotidiennement une haine pure de l’islam. Ils se contactent entre complotistes décatis et planifient maladroitement leurs forfaits.

J’imagine qu’ils se disent : je n’en ai plus pour très longtemps, pourquoi ne pas me transformer en kamikaze pour mourir en soldat ? » Si cette hypothèse se trouve avérée, il faudra se méfier dorénavant comme de la peste des nonagénaires en déambulateur.

Laissons les footeux chambrer les footeux, et les Argentins les Français

Le gardien de but argentin s’est amusé pendant plusieurs jours à chambrer Kylian Mbappé. On se souvient de ses petites bêtises : une minute de silence pour Mbappé dans le vestiaire, des gestes obscènes, des poupées à l’effigie de l’attaquant français. Chez des supporters argentins, beaucoup de joie s’exprime dans la dégradation de l’appartenance ethnique des joueurs français. Des photos du buteur français brûlées, moquées, huées.

Tout cela est très bienvenu. Je ne sais pas pourquoi des journalistes et des influenceurs sont choqués par ces outrages.

Pour le sage précaire, au contraire, ces marques de joie lourdingues sont une preuve éclatante que les Argentins avaient une peur bleue de l’équipe de France. Tellement peur qu’ils ont ressenti le besoin de relâcher la pression qui avait étreint leur coeur pendant la finale de la coupe du monde.

Nous devons voir ces moqueries comme un hommage rendu à la dangerosité de Mbappé et de l’équipe de France. Quand on ne se moquera plus d’eux, c’est que nous serons devenus inoffensifs. Moi qui ai grandi dans une France qui ne gagnait rien au football, je vous le dis : profitez des quolibets de ceux qui nous détestent, bientôt, les gens nous traiteront avec amitié et tendresse, et ce sera le signe du déclin.

22122022

La date de ce jour est remarquable du point de vue numérologique.

Trois paires de 2 séparées par un 1 et un 0.

C’est le genre de date que l’on peut retenir facilement. Je recommande donc à chacun de faire quelque chose qui devra être remémoré, comme un mot de passe ou un code secret. Il suffira pour saisir le code en question de se dire : « C’était une date, en décembre, fin 2022 je crois. Il faisait froid et je me disais justement que c’était rigolo cette suite de 22. »

C’est la dernière fois que nous pourrons jouir de cela.

L’année prochaine, il faudra attendre le 23 03 23 pour avoir quelque chose d’amusant.

Le mieux sera le 21 janvier de l’année 2345, afin d’accéder à une suite de 0 à 5 : 21 01 2345.