Loyer de Dublin

J’ai été pré-sélectionné pour le boulot de chercheur à Dublin et Galway auquel je postulais. Dans quelques jours, un entretien téléphonique aura lieu avec un comité sourcilleux pour décider si je suis l’homme de la situation. J’aurais préféré qu’ils me convoquent en personne, j’aurais pu essayer de les éblouir avec un costume des grands jours, une chemise rouge coquelicot et une cravate flamboyante.

La cravate, instrument essentiel de la sagesse précaire dans sa dimension mercatique. La cravate, pivot conceptuel pour tous ceux qui mettent le paraître devant l’être. Le sage précaire privilégiera toujours le paraître, d’où un usage immodéré de cravates, de colifichets, de chapeaux et de plumes, de roulements d’yeux, de gestes hypnotisants, de roucoulements vocaux, de poses.

Au téléphone, malheureusement, le sage précaire perd 70% de ses moyens. Et comme en plus l’entretien se fera en anglais, la perte est dramatique. Mon anglais étant fragile, fleuri mais baroque, technique mais relâché, il était de toute première importance que je pusse palier mes lacunes linguistiques par une présence physique colorée qui fasse diversion.

A tout hasard, j’ai regardé les loyers qui se pratiquent à Dublin, au cas où les membres du jury me choisiraient quand même (mon espoir est basé sur le fait que mon profil est très adapté à ce poste) : les loyers sont extravagants. On ne se loge pas dans la capitale irlandaise à moins de 600 euros par mois.

J’en suis à me demander si je ne vais pas rejoindre mes amis les Tinkers, et si je ne vais pas louer une caravane dans un campement illégal. Autre piste à explorer : le squat. L’Irlande est connue pour être remplie d’ « immeubles fantômes », j’imagine que de nombreux marginaux les investissent pacifiquement.

Mon rêve : vivre en caravane, avec une famille Tinker, au bord de la Liffey, dans un parc privé magnifique réquisitionné par des squatters créatifs qui construiraient des saunas sauvages et des bains chauds pour se baigner sous les étoiles.

8 commentaires sur “Loyer de Dublin

  1. Le sage précaire privilégiera toujours le paraître,
    d’où un usage immodéré de cravates,
    de colifichets, de chapeaux et de plumes,
    de roulements d’yeux, de gestes hypnotisant,
    de roucoulements vocaux, de poses.

    Le sage précaire devra plaire avec sa voix
    D’où s’envoleront des sons immodérés
    Fleuris et baroques, techniques et détachés
    De roulements persuasifs au timbre hypnotisant,
    De roucoulements vocaux, de vibration____

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  2. En consideration de ton anglicité et de la sagesse précaire, je rappellerai du fond des bois du Massachussets, d’ou il n’est guere entendu, l’avertissement suivant: »I say, beware of all entreprises that require new clothes (…) If you have any entreprise before you, try it in your old clothes. »

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    1. Mon bon Sergueï, je reconnais bien là le puritanisme de mon arrière-grand cousin, le vieux Thoreau, que j’imite un peu, mais avec moins de protestantisme dans les veines. Comme lui – et toi – je n’aime pas beaucoup ce qui « requiert » de nouveaux vêtements, mais j’aime inventer des prétextes pour me déguiser. Le seul déguisement que j’ai refusé, c’est celui de la cérémonie de « graduation », et c’était pour des raisons politiques.

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  3. Bravo pour cette préselection! C’est une 1ère étape franchie. La suite, on croise les doigts(on ne sait jamais). Bon courage…
    Le loyer est, en effet, cher à Dublin (j’y ai séjourné)! Le mieux serait d’acheter une bagnole et louer à environ 20 à 30Km, en dehors de la capitale(Dublin), partie nord ou nord-est (le prix est abordable parce que le milieu est plutôt rural/campagne, mais beau à mon goût). Bon chance pour l’entretien téléphonique.

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