Je venais de publier Birkat al Mouz et la dame de L’Harmattan chargée de la diffusion et des relations avec la presse, me proposa de faire de la publicité dans les librairies de mon choix.
Bonne idée, il valait mieux que l’information vienne de l’éditeur plutôt que de l’auteur. J’avais remarqué que lorsque vous faite votre propre communication, en tant qu’auteur, on vous prenait systématiquement pour un Charlot.
La chargée de presse regarde sur son ordinateur. Elle me parle au téléphone et me dit : « Attendez je regarde sur mon ordinateur. » Elle me donne des noms de librairies avec lesquels L’Harmattan a l’habitude de travailler, et qui se situent dans mes lieux de vie habituels en France. Nous nous entendons, elle enverra le dossier de presse, la présentation du livre, à tels et tels commerçants, en indiquant que l’auteur est un homme du cru. De mon côté, je m’engage à faire le service après-vente, pour ainsi dire, en allant parler directement aux commerçants en tant qu’homme du cru.
Je me déplace donc dans la librairie du Pouzadou pour me présenter.
Cette librairie, j’en ai déjà parlé sur ce blog. Dans un billet écrit il y a dix ans, je racontais comment le libraire de l’époque avait refusé de prendre mon Voyage au pays des Travellers, au prétexte que « les gens d’ici ne peuvent pas s’intéresser à l’Irlande ».
Aujourd’hui, début 2022, la scène se répète. Le propriétaire a changé, c’est une jeune femme qui remplace l’employé bougon des années 2010. Moi, j’ai vieilli, mais je suis devenu un meilleur écrivain à mon avis. Et puis je suis devenu un homme du cru puisque je suis propriétaire d’un logement en bordure du Parc des Châtaigniers. La dame me souhaite la bienvenue en terre cévenole mais ne se souvient pas d’avoir reçu d’information sur mon livre. Elle vérifie sur son ordinateur et elle fait une sorte de moue.
Ah oui, c’est chez L’Harmattan, dit-elle.
Je ne sais plus ce qu’elle a dit exactement après cela car j’étais KO debout, mais elle n’a pas voulu de mon livre.
Comme en 2012, j’étais invité par la médiathèque à faire une soirée présentation de mon livre. Comme en 2012, je proposai à la librairie de la ville de venir s’occuper de la vente ce soir-là. En 2022 comme en 2012, le libraire du Vigan a décliné cette offre. Chacune de mes soirée, pourtant, jouissait d’un succès public, la médiathèque était pleine de monde et je vendais des dizaines d’exemplaires. Apparemment, cela n’est pas assez bien pour la librairie du Pouzadou.
Comme je suis beau joueur, je continue d’y passer de temps en temps et il m’arrive même d’y acheter des livres.
Quand on n’a pas ce que l’on aime,
il faut aimer ce que l’on a.
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Elle s’en mordra bien les doigts, la bonne dame de la librairie du Pouzadou, le jour où l’Académie française te décernera le prix Delluen. Pas terrible de sa part, de n’avoir pas su promouvoir un auteur local. Mais en attendant elle est assise sur son monopole et tu n’as pas d’autre choix que lui faire risette. Sauf à en appeler à Jeffos, ce qui n’est pas jojo non plus
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Mais je fais appel à Jeffos, je m’en contrecarre, sauf votre respect. Amazon a plus vendu de mes livres que tous les libraires réunis. Comment pourrais-je le voir comme un ennemi ? Même ici dans une ville où j’habite, des gens ne trouvant pas mes bouquins dans la librairie locale, y font appel et témoignent de cela sur les « avis » laissés sur Amazon. J’ai donc acheté quelques articles au Pouzadou, pas parce qu’il est en situation de monopole, mais pour soutenir à ma mesure le petit commerce et retarder autant qu’il est en moi l’échéance inévitable où la clé sera mise sous la porte.
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Oui je suis plus nuancé, moi personnellement le système à deux vitesses (Jeffos et la bonne dame du Vigan) me convient bien, ils se complémentent. Et j’espère que suffisamment de gens pensent comme moi (rien ne remplace une librairie physique) pour que cette échéance que tu vois comme inévitable n’arrive pas de mon vivant ni de celui de mes enfants…
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Moi aussi ce système me va. C’est ce que je dis. Mais quand les librairies sont comme celle du Vigan, malheureusement, elles ne peuvent pas résister bien longtemps.
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Pas si sûr. Il y a à Tournon (je me refuse à dire : sur Tournon malgré le hiatus) une librairie extraordinaire, toute vieillotte, toute poétique, merveilleusement cachée. Je ne donne son adresse qu’aux très très bons amis…
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Si je vais à Tournon, je ne manquerai pas de m’enquérir de son adresse.
Pour éviter les malentendus, je voudrais préciser : je n’ai pas dit que toutes les librairies des petites villes étaient vouées à disparaître, ni, encore moins, qu’elles étaient de mauvaise qualité. J’écrirai tantôt sur celle de la ville voisine, Ganges, qui m’a fait un effet boeuf au contraire. Je parlais bien de celle du Vigan, et de celles qui lui ressemblent. Je voulais dire par là les librairies qui refusent de vendre les livres d’auteurs comme moi, comme vous, comme nous tous. Quel sens cela a-t-il ? Ces libraires se tirent une balle dans le pied, ils perdent des clients, et ils perdent du prestige. Quand vous avez quelqu’un comme le sage précaire sous la main, soit vous en profitez et vous vendez de la marchandise, soit vous disparaissez de la circulation car la clientèle du livre n’est pas assez solide pour se permettre de snober les auteurs locaux.
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