Roybon : « Les zadistes reçoivent 90 euros par jour »

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En repérage pour un possible documentaire sur les contestataires de Roybon, je me suis rendu avec Catherine sur les lieux de l’occupation des terres par les « zadistes ». Située dans les fameuses Terres froides, près de la Côte-Saint-André, au confins de l’Isère et de la Drôme, sur les contreforts du Vercors. Un groupe informel d’activistes s’oppose à la construction d’un Center Parcs dans la forêt.

Concrètement, pour s’opposer à ce projet, les activistes vivent sur les terres nuit et jour, construisent des cabanes et s’y relaient pour qu’elles soient toujours habitées. Ils élèvent des barrages et des barricades sur toutes les routes forestières pour empêcher la tenue des travaux. Ils appellent ces terres la « Zone à défendre » (ZAD), d’où leur appellation de « zadistes », qui rappellent d’autres noms de combattants tels que les zapatistes du Mexique.

Nous voulions voir, et le cas échéant témoigner, de ce qui se vit derrière les barricades, sur lesdites terres occupées, dans les cabanes. Que se passe-t-il là-bas, chez les zadistes ? Comment vivent-ils ? Quel genre de communauté est en train de se créer ? Nous subodorons qu’il ne s’agit pas seulement de jeunes inactifs poussés par l’envie d’en découdre avec la gendarmerie, mais qu’il doit y avoir une vie plus profonde, une rencontre de plusieurs désirs et de plusieurs activités.

Dans le village de Roybon, les habitants ont affiché un peu partout leur soutien au projet du centre de loisirs. Sur les vitrines des boutiques : « Commerce à défendre », « Oui au Center Parcs ». Sur le sapin de Noël qui trône près de la mairie, une lettre d’enfant demande au Père Noël « un beau Center Parcs ». Une riposte aux zadistes s’est organisée. Une résistance à la résistance écologiste. Les habitants du village, en tout cas les plus visibles d’entre eux, affirment haut et fort qu’ils ne veulent pas de ces activistes. Même la statue en bronze sur la place centrale, une réplique de la statue de la Liberté, est mise à contribution, supportant une pancarte qui dit : « Libérez mon village ».

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Françoise et Claude, notamment, nous expriment leur déception face à l’impuissance des politiques qui sont incapables de faire régner l’ordre dans la forêt. Ils sont convaincus que le centre de l’entreprise Pierre et Vacances créera de l’emploi, de l’activité, du tourisme, et qu’il aidera à désenclaver le village. Très gentil, affable et ouvert à notre micro, le couple de retraités est remonté contre les zadistes qui imposent leur volonté, envers et contre toute légalité. Claude affirme que les zadistes sont manipulés par des groupes politiques, des syndicats ou des lobbies : « Ils reçoivent 90 euros par jour, pour tenir le coup, et évidemment, ils ne travaillent pas. » Qui leur donne cet argent ? On ne le sait pas.

Sur la route, quand on s’approche de la ZAD, un barrage de gendarmes nous arrête. Vérification des papiers, fichage, consignation des adresses et même enregistrement vidéo de notre présence. Les gendarmes nous déconseillent de continuer notre route, car la route est barrée deux kilomètres plus loin, mais ne nous interdisent pas de passer.

Alors nous continuons, et nous nous retrouvons devant une autre voiture de la gendarmerie.  On nous redemande nos papiers, on note à nouveau nos adresses, on nous filme encore, et on nous donne une nouvelle marche à suivre : « On ne peut pas vous laisser continuer sans accréditation. D’ailleurs, c’est pour votre sécurité, car les zadistes sont des gens violents, il y a déjà eu des journalistes agressés. Retournez à Boyron, et voyez avec la gendarmerie, ils vous donneront des consignes ».

L’ambiance est douce, la campagne est belle mais on se croirait en guerre civile, avec des check points qu’il faut traverser en montrant patte blanche. L’accès à la « Zone à défendre » est donc déjà lui-même défendu sur toutes les routes qui y mènent. Moi qui viens de lire Les Evénements, le dernier roman de Jean Rolin, je me trouve toujours plongé dans cette atmosphère de cessez-le-feu précaire.

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Sur le chemin du retour vers le village de Roybon, nous sommes à nouveau arrêtés par un barrage, et les mêmes gendarmes nous demandent  à nouveau nos papiers, notre adresse et nous filment à nouveau. Devant nous, un camion à benne est arrêté, la benne chargée de palettes en bois. Nous devinons qu’il s’agit là de matériel pour les zadistes.

Quand les gendarmes relâchent ce camion, qui fait demi-tour, nous décidons de le suivre. Nous pensons confusément que, peut-être, ces palettes vont nous mener, plus sûrement que la gendarmerie de Roybon, à la ZAD. Il emprunte des petites routes de campagnes qui montent sur la colline et s’arrête à une route barrée. Catherine va parler au chauffeur. Bingo, il s’agit bien de militants qui viennent aider les zadistes en leur apportant du matériel pour construire des cabanes.

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4 commentaires sur “Roybon : « Les zadistes reçoivent 90 euros par jour »

    1. Merci Curare. Je connais Pierre Rabhi depuis très longtemps. J’ai lu son premier livre, « Du Sahara aux Cévennes », peu après sa parution, dans les années 80. Les journalistes le présentent encore aujourd’hui comme une découverte inouïe, alors que cela fait 30 ans que c’est une vraie star dans les milieux alter/bio/écolo.

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