Dans les montagnes d’Arabie. Une masure inspirante

Abdallah m’invite dans sa voiture quatre roues motrices pour visiter les hauteurs qui environnent notre village de Rijal. Je décline l’invitation car je je dois me rendre dans la plaine afin d’aller dormir au bord de la Mer Rouge, dans la ville de Jazan.

Qu’à cela ne tienne, dit-il, je te conduirai à Jazan après la montagne. Je ne sais pas pourquoi tu tiens à traverser ces plaines lugubres alors que tu pourrais rester dans nos belles montagnes, mais enfin, tu décides de ta vie.

Marché conclu, nous roulons sur les routes célestes de la Sarawat. Mon guide a enseigné l’anglais dans plusieurs villages des environs et les élèves de ces villages sont pour lui les mieux élevés de toute l’Arabie. Il me montre les bâtiments où il a enseigné.

Nous explorons une maison abandonnée sur un rocher difficilement accessible à pieds, et nous estimons les possibilités de villégiature que recèle cette vieille masure, dont les murs enduits de terre conservent une belle fraîcheur.

Je lui dis que moi, pour deux cents rials par nuit, je serai prêt à élire domicile ici quelques jours, avec un barbecue le soir. Il suffirait de recouvrir le sol d’une moquette et d’installer un lit.

Abdullah me promet d’aller voir le propriétaire et de lui parler d’une possible location.

Dans les montagnes d’Arabie. J’ai fixé des vertiges

Toujours dans le village de Rijal, province d’Assir, j’ai exploré les maisons abandonnées dans l’espoir de trouver des décorations murales connues pour être l’œuvre des femmes. Œuvres à la fois géométriques et vertigineuses.

Lire sur ce sujet: Qatt Al-Aseeri, l’art caché des femmes saoudiennes

La Précarité du sage, 2025

Dans mes explorations je rencontre des Saoudiens qui me parlent. Je suis trop peu liant, selon ma femme, mais elle ne comprend pas que j’ai des antennes : je distingue les gens qui posent toujours les mêmes questions de ceux qui sont susceptibles de nouer une relations intéressante.

Celui-ci est de la seconde catégorie. Je me suis donc laissé aller à la conversation de surface.

Il s’appelle Abdullah et offre de m’aider à trouver les décorations murales de mes rêves.

Il m’annonce qu’il est le petit-fils de Fatima Abou Gahas, rien de moins.

La maison où elle habitait a été transformée en petit musee.

Les petits musées familiaux sont très nombreux en Arabie Saoudite, et ils sont toujours touchants et répétitifs. Celui-ci est singulier de fait des peintures d’une grande artiste du Qatt Al-Assiri.

Abdullah ne le sait pas encore, et moi non plus, mais il va me révéler bien plus de secrets de la région qu’il ne l’imagine.

Dans les montagnes d’Arabie. Rijal Almaa

Mon chauffeur et moi avons négocié un prix raisonnable pour qu’il me conduise jusqu’à Rijal. Il est content. Très content. Trop content peut-être. À voir sa mine réjouie, je finis par me dire que je me suis fait avoir.

Je suis trop impatient d’atteindre le village de Rijal pour faire des pauses ou demander des explications. Nous nous arrêtons seulement pour faire la prière dans les mosquées de bord de route.

L’une d’elles est fermée. Une autre est ouverte mais la salle d’eau est fermée. Nous sommes obligés de frapper à des portes pour qu’un joli Sheikh, à la longue barbe blanche, nous ouvre. Nous pouvons enfin utiliser les toilettes et faire la toilette sacrée pour nous trouver en état de pureté suffisante pour nous prosterner devant le Créateur.

C’est là, pieds nus sur la moquette que nous nous présentons. Il s’appelle Ahmed. Il me propose de diriger la prière. Je lui dis non. Il insiste par politesse. « Tu conduis la voiture, cheikh Ahmed, donc tu conduis la prière. Tu es mon imam aujourd’hui. » Il rigole.

J’arriverai au seul hôtel du village en fin de journée.

Cet hôtel n’est pas mentionné sur Google, ni sur les sites connus, ni sur l’intelligence artificielle, dont on exagère parfois les ressources. C’est mon ami Ahmed, chauffeur et imam du jour, qui l’a trouvé en téléphonant à des copains, et à des copains d’amis. J’ai réservé la chambre au téléphone, dans un arabe tellement rudimentaire que le propriétaire m’a donné une grande chambre alors qu’il avait en stock des petites chambres pour homme seul.

Cela dit, la vue de ma chambre était belle.

Je sortis visiter ces belles maisons anciennes. Émerveillé, je marchais très lentement et m’arrêtais longuement.

Après une exploration paresseuse et passionnée à la fois, je me suis assis et j’ai laissé tomber la nuit sur moi.

Le vent se leva et la douceur du soir était exquise.

J’aurais voulu savoir dessiner.

J’aurais voulu que ma femme soit là avec moi.

Bonne nuit et bons baisers de Rijal.

Dans les montagnes d’Arabie. Al Namas: un facteur Cheval entrepreneur

Je me réveille à Al Namas d’humeur plus légère qu’hier. L’air s’y fait plus respirable, sans doute parce que mon corps s’est acclimaté aux 2000 mètres d’altitude. La fraîcheur est délicieuse. En chemise, je me promène sans gêne ; le soleil tape, certes, nous sommes en juillet, mais dès qu’on trouve un peu d’ombre, l’air devient d’un agrément rare.

Je pars à la recherche d’un café sans succès. Pas à l’hôtel, pas davantage dans les rues. On trouve en revanche le café arabe : une infusion légère, ocre plutôt que noire, servie dans de petites tasses, accompagnée de dattes. Et surtout, je trouve facilement de quoi petit-déjeuner à la manière saoudienne ou indienne : plats de fèves, de lentilles, de pois chiches, de fromage. C’est simple, nourrissant, et très bon.

Je décide de visiter un palais dont j’ai entendu parler. Il n’y a ni transport collectif ni voiture de location. Plutôt que de passer par une plateforme de taxis, je tente le stop. C’est une manière comme une autre de tester mon autonomie, et aussi de ne pas me sentir piégé dans un lieu faute de moyens de sortie.

Une voiture s’arrête au bout de cinq minutes. Le conducteur ne parle pas anglais. Je me débrouille en arabe approximatif, sans savoir très bien où je vais. Nous trouvons finalement le lieu grâce à Internet. Il ne le connaît pas, ce qui m’étonne. Mais il accepte de m’y conduire, refuse d’être payé, puis propose de revenir me chercher deux heures plus tard pour poursuivre la route ensemble. Cette fois, je paierai.

Le palais s’appelle Al Meqr, mais je note sur la porte d’entrée un nom anglais qui donne peu envie et qui, surtout, prête à confusion : Al Meger Touristic Village. En arabe, le mot « touriste » n’est pas mal vu ni péjoratif. En tout cas, ce n’est pas un village vacances, mais un ensemble architectural qui se visite parce que bizarre.

On croirait une œuvre d’art brut, un peu comme le Palais idéal du facteur Cheval dans la Drôme. Une explosion de couleurs, une profusion de motifs. Je ne sais pas s’il l’a construit de ses propres mains ; probablement pas. Mais tout laisse penser à un projet personnel, dirigé, assumé.

Peut-être a-t-il fait appel à des ouvriers venus du sous-continent indien, peut-être des Égyptiens aussi — certains motifs évoquent leur drapeau. Le plus fascinant est cette réinterprétation libre et généreuse de l’art mural traditionnel de la région d’Assir. Les formes sont nouvelles, les couleurs s’échappent des conventions. C’est vivant, inventif, et proprement enchanteur.

Autour du palais, un petit ensemble de maisons en contrebas s’accroche à la falaise. Elles forment un hameau tourné vers les vallées profondes. Nous sommes bien dans les hautes terres du Sarawat, où l’œil se perd dans l’espace.

Dans les montagnes d’Arabie. De Baljuraishi à Al Namas

Al Namas, « Heritage Village »

Saïd me conduit sur les routes de montagne. À nouveau, je pique du nez. Je ne suis pas dans ces montagnes depuis très longtemps et l’altitude continue à rendre ma respiration un peu difficile. À cause de cela, j’ai mal dormi la nuit dernière : je me réveillais fréquemment à cause d’une sensation d’étouffement.

Quand la voiture roule, je suis bercé, et je m’endors par moments. Je suis un peu navré vis-à-vis de mon camarade Saïd qui mériterait au moins que je lui tienne compagnie et discute avec lui.

Nous arrivons en fin de journée dans une ville dont je n’avais jamais entendu parler auparavant : Al-Namas. C’est là que je vais passer la nuit. Je remercie Saïd, qui me dépose à la porte d’un hôtel.

À l’hôtel, je prends une douche, le change et je décide d’aller visiter le centre-ville d’Al-Namas. En sortant, je m’aperçois qu’il fait frais. Pourtant, nous sommes fin juin, en Arabie Saoudite, l’un des pays les plus chauds du monde. Mais ici, il convient de s’habiller pour ne pas attraper la mort. Je préfère retourner dans ma chambre pour prendre une petite veste et un foulard que j’avais emportés par précaution, sachant que je me rendais en montagne.

Toujours un peu vaseux, je commence à marcher dans le centre-ville. J’ai immédiatement une bonne impression. La ville semble dotée de nombreuses maisons à l’architecture intéressante, probablement vernaculaire, mêlant pierre et terre. Il y a aussi beaucoup de monde dehors. On sent une vie quotidienne animée et bon enfant, faite d’un mélange de populations : Arabes, immigrés, travailleurs originaires du sous-continent indien, qui sortent du travail en cette fin de journée.

Il règne une atmosphère détendue, une vie de café, de discussions sur les trottoirs, de rencontres après le travail. Les gens dînent tard, je suppose, car tous les restaurants sont vides entre 18 et 19 h00.

Après avoir marché un bon moment, mon regard est attiré par des bâtiments anciens. Il s’agit d’un vieux quartier qui a été rénové avec soin. Je ne sais pas s’il faut une autorisation pour y entrer, car il semble y avoir des installations à traverser, mais je décide de tenter ma chance. Des travailleurs me voient passer et ne me disent rien, alors j’explore un peu.

C’est bien une vieille ville, un centre historique agréable à parcourir, avec de nombreux petits commerces : cafés, souvenirs, produits locaux. Il semble que ce soit un quartier pensé pour le tourisme, mais un tourisme essentiellement local. Pour l’instant, je ne croise pas de visiteurs.

La scénographie du quartier est soignée : des tapis suspendus au-dessus des allées, des portes traditionnelles assemblées en une sorte de grande paroi, comme une toile abstraite et géométrique. L’ensemble est de bon goût. Je me demande qui est responsable de cette mise en scène.

Je croise plusieurs personnes qui semblent y travailler. À un moment, un Saoudien m’aborde, me salue et me serre la main. Il me demande comment je vais et ce que je fais ici. Il me demande si je suis commerçant, si je travaille dans le quartier.

Quand il comprend que je suis simplement de passage, il m’explique que je n’ai pas le droit de me trouver là. Ce n’est pas un quartier ouvert, mais un village patrimonial encore en rénovation, en préparation pour une grande fête prévue le lendemain.

Il m’invite pourtant à revenir. Il me dit : « Revenez demain, vous êtes invité parmi les VIP pour la grande soirée. »

J’apprendrai plus tard qu’une fête est organisée en l’honneur du gouverneur de la province, l’émir. Je ne sais pas s’il s’agit de son anniversaire ou d’un autre événement, je n’ai pas bien compris. Mon arabe n’est pas encore assez bon.

Je ne promets rien mais assure que si Dieu le veut, je serai là en chair et en os.

Dans les Montagnes d’Arabie. D’Al Baha à Dhee Ayin

Le sage précaire fatigué dans un cadre islamique. N’ayant pas pris de photo d’Al-Baha, j’ai pensé que ce portrait pourrait illustrer avantageusement un récit de voyage en montagne arabique

Al-Baha, capitale de la province du même nom, je l’ai visitée dès l’aube. L’altitude coupait ma respiration, ce qui me réveillait et entrecoupait mon sommeil. Je me suis donc baladé à la recherche d’un café ouvert. C’est un endroit sympathique, mais ce n’est pas vraiment une ville. Je n’ai pas identifié de centre-ville. Je regarderai plus précisément l’histoire de cette cité, qui semble être plutôt un centre agricole, avec énormément de champs en terrasses dans les collines qui l’entourent. Cela a plutôt l’air d’être un grand centre d’échanges, de marchés et de commerce pour les produits agricoles.

Les parcs y sont très importants, apparemment. Beaucoup d’investissements ont été faits dans ces espaces, qui sont agréables, mais qui manque d’eau. Le musée régional est fermé, mais il promet d’être magnifique, car l’architecture est très impressionnante. Elle ressemble à un cylindre incliné. Ce qu’on peut en voir de l’extérieur est assez grandiose. Les grandes baies vitrées permettront aux visiteurs de faire communiquer l’exposition avec les montagnes environnantes, car le musée est situé en haut d’un piton rocheux. Tout autour, comme je l’ai déjà dit, on trouve des fermes avec des champs en terrasses.

J’ai trouvé, à force de discussions, le nom et le numéro de téléphone d’un homme qui accepte de me conduire et de me faire découvrir la région autour de la ville. En particulier, je désirais ardemment visiter le village de Dhee Ayn. Je ne savais pas exactement où c’était, mais les photos que j’avais vues m’intéressaient beaucoup. C’est un village en pierre sèche qui semble assez extraordinaire. Et lui, Saïd, me conduit. Le prix est assez modeste.

Chose à savoir pour ceux qui voudraient visiter l’Arabie saoudite : cela ne coûte pas très cher d’avoir un accompagnateur connaisseur, qui parle anglais, un Saoudien de la région, très sympathique et très serviable. Pour cent ou deux cents euros, on peut s’assurer une journée entière de découvertes dans des endroits non desservis par les transports en commun et peu connus du grand publics. Il me conduit vers ce village, qui se trouve en fait au fond de la vallée. Il y a une route toute neuve, creusée dans les années 1980, avec de nombreux tunnels. Il faut au moins une demi-heure pour que la voiture la parcoure en entier.

Quand on arrive en bas, on a une sensation très étrange : un village de pierre sombre sur un massif rocheux blanc.

Dhee Ayin, province d’Al-Baha

Il y a quelque chose de très fort, de très grand. Le village a été entièrement rénové, mais de façon respectueuse. On ne voit pas de traces de ciment ou de mortier. Il n’y a guère que la mosquée à laquelle on a ajouté un minaret. Mais à part cela, c’est très sobrement réalisé.

La chaleur est absolument suffocante, car on descend de plusieurs centaines de mètres d’altitude. Mais surtout, après cette visite d’une architecture dont je ne sais pas s’il faut la qualifier de vernaculaire, Saïd me fait découvrir que la visite ne s’arrête pas là. Il faut encore descendre sur le côté pour rejoindre la source d’eau. Car le nom du village, Dhee Ayn – “Ayn” en arabe signifie “la source” – évoque justement cela.

Effectivement, il y a un contraste frappant entre la sécheresse, la minéralité du village, et la verdure en contrebas : cultures de café, d’arbres fruitiers et de fleurs, là où les habitants se lavaient et s’approvisionnaient en eau potable. Le paysage de cette eau qui coule dans un falaj, avec des sycomores gigantesques, des manguiers et d’autres arbres fruitiers, est véritablement paradisiaque. Il semblerait qu’il soit autorisé d’y camper, si l’on demande la permission.

Ce village a quelque chose de vraiment majestueux. Cet ensemble dégage une grande noblesse. Je mets en doute l’idée selon laquelle il aurait été occupé par de simples paysans. Je pense qu’il s’agissait d’un clan d’une grande importance. Il y a, je ne sais combien de centaines d’années.

Mon ami Saïd me dit : “Tu as sans doute vu sur Internet que Dhee Ayn a été construit il y a 400 ans. C’est faux.” Selon lui, la réalité est bien plus ancienne. Il m’en donne pour preuve des inscriptions en pierre, rédigées dans une langue antérieure à l’arabe. Ce serait donc un village datant de l’ère préislamique. Mais je n’ai pas d’opinion sur la question. Je ne suis convaincu par aucune théorie jusqu’à présent.

Ce dont je suis certain, c’est que cela devait être un lieu habité par une famille puissante, un clan influent, ou peut-être même une famille royale, qui venait ici pour profiter de la source. Il se dégage des lieux une grande noblesse. Dhee Ayin a des airs de château fort médiéval.

Voyage à Berlin : une journée entre la gare et l’hôtel

Si tu m’abandonnes, il me restera l’art

Je pense d’ailleurs aller à Venise pour visiter la Biennale d’architecture. J’y invite la femme de mes rêves car, outre son intérêt pour l’architecture, elle pourrait apprécier l’aspect romantique de l’escapade avec le sage précaire.

La superbe créature me reproche, en forme de plaisanterie, d’aller dans les musées et de préférer l’art, la littérature, aux activités lucratives des mâles alpha.

Je lui dis : eh bien, tu vois, si un jour tu m’abandonnes, il y aura au moins ça. Il y aura au moins l’art. Je serai triste, mais il y aura au moins l’art, les musées, les livres. Eux, ils ne m’abandonneront pas.

— Depuis combien de temps tu réfléchis à cette théorie ? me dit-elle.

— Elle me vient à l’instant. Je n’y avais pas pensé avant.

— Parce que, dit-elle, avant tu disais : si tu disparaissais de ma vie, je mourrais. Maintenant tu dis : il y aura au moins l’art. Ça veut dire que tu tiens un peu moins à moi.

J’étais fait comme un rat.

Retour du papier chez les riches : un week-end à l’hôtel de luxe

Nous passons le week-end pascal dans un hôtel de luxe, une bulle de silence japonais dans la splendeur orientale. Ici, les riches lisent des livres en papier. C’est la nouvelle distinction sociale. Depuis que les outils numériques sont devenus les jouets de la populace, c’est le retour au livre qui fait figure de raffinement. Lire, voilà la nouvelle élégance discrète.

Pour le sage précaire, lire, ça a toujours été la vie normale, ordinaire, dans les usines comme sur les plages de sable blanc.

Je me réjouis de cette nouvelle mode : sans l’avoir prémédité, je me trouve dans le ton et dans les codes des gens privilégiés. Mes livres m’accompagnent partout, par coquetterie autant que par nécessité. Les rares clients qui scrollent sur leur téléphone se signalent par une forme de vulgarité.

Je m’en ouvre à Hajer en lui demandant si mon observation est déjà une banalité ou si elle fait partie de mes théories loufoques dont on se moque avant de les adopter. Mon épouse est plutôt d’accord avec moi mais elle émet une théorie à elle : ce n’est pas pour frimer que les riches lisent mais pour se sevrer des réseaux sociaux. Le livre est donc un signe brandi devant le peuple pour dire au monde : voyez, moi au moins, j’essaie de m’en sortir.

On se promène dans les jardins, entre deux baignades en mer ou en piscine. Moi, je mate les couvertures des bouquins. Le verdict est cruel : les lectures ne sont pas à la hauteur des lieux. Beaucoup de romances et des romans à enquêtes. Des couvertures brillantes, des titres évocateurs et vite oubliés. On dirait que le retour du papier n’a pas ramené avec lui l’exigence littéraire.

Le luxe, peut-être, est ailleurs. Dans le geste de tourner une page, dans le bruissement d’un signet qu’on replace soigneusement, dans le poids d’un volume qu’on glisse dans son sac plutôt que dans sa poche. Le contenu ? On repassera. Le chic, désormais, c’est l’objet-livre, pas forcément la pensée qu’il contient.

Ma collection André Dhôtel

L’autre jour, j’ai retrouvé le carton qui contenait ma collection préférée : les livres de l’écrivain ardennais André Dhôtel (1900-1991).

Quand je les vois, comme ça, dispersés sur les marches extérieures de mon appartement cévenol, je me réjouis de ne pas les avoir tous lus. Il me reste de belles journées de lecture en perspective.