Le raz-de-marée réactionnaire qui vient

Photo générée par la banque d’images gratuites quand j’ai saisi : « raz-de-marée réactionnaire ».

La politique française semble aujourd’hui absorbée par des débats institutionnels : nomination d’un Premier ministre, chutes gouvernementales, votes budgétaires, et une Assemblée nationale paralysée par ses divisions. Pourtant, une menace bien plus grave se profile à l’horizon, et elle semble largement sous-estimée : le réarmement idéologique et médiatique de l’extrême droite.

Ce danger ne se limite pas à la montée en puissance du Rassemblement National de Marine Le Pen, ni des émissions divertissantes des chaînes de télé possédées par des milliardaires nationalistes. Si certains avancent que Le Pen pourrait être empêcher de se représenter en 2027, c’est ailleurs que l’extrême droite affine sa stratégie. Le parti d’Éric Zemmour, en dépit de son absence d’élus et de la performance médiocre des dernières présidentielles, prépare un retour fracassant sur la scène publique.

Une offensive médiatique bien orchestrée

Grâce au soutien financier de riches militants antirépublicains, Zemmour bénéficie de ressources médiatiques colossales. La chaîne Canal+, propriété de Bolloré, prépare actuellement une série télévisée basée sur l’un des livres de Zemmour. Cette production, prévue pour 2025, vise à diffuser ses idées réactionnaires et racistes sous une forme audiovisuelle attrayante et accessible.

L’enjeu est clair : utiliser la puissance des médias pour imposer dans le débat public des discours anti-musulmans, anti-progressistes et profondément rétrogrades. En capitalisant sur une réalisation soignée, cette série risque de séduire un large public et de dominer l’agenda médiatique dès sa diffusion, ouvrant la voie à une campagne présidentielle 2027 déjà en préparation.

Une stratégie multifacette

Le dispositif ne s’arrête pas là. Sarah Knafo, compagne de Zemmour et énarque, s’impose de plus en plus comme une figure médiatique de premier plan. Avec une rhétorique affûtée, elle multiplie les apparitions sur les plateaux télé, où ses propos passent souvent sans contradiction. Parallèlement, Zemmour pourrait publier un nouveau livre, renforçant encore sa visibilité et sa capacité à structurer le débat public autour de ses thèses.

Dans le même temps, Marine Le Pen pourrait se retirer, laissant la place à Jordan Bardella, dont la stratégie repose sur une forte présence sur les réseaux sociaux, mais avec un contenu idéologique plus flou. Face à cela, Zemmour et son militantisme raciste incarnent une extrême droite idéologiquement plus agressive, capable de saturer l’espace médiatique avec un discours structuré et percutant.

Les signaux faibles d’une tempête à venir

Photo proposée par le moteur de recherche du blog quand j’ai saisi le titre de mon billet en anglais

Tout converge vers une montée en puissance de l’extrême droite, qui s’appuie sur des outils modernes et efficaces : audiovisuel, réseaux sociaux, séries. Comme rien n’est fait pour contrer cette stratégie, 2025 marquera le point de bascule, avec une domination médiatique totale des idées réactionnaires.

Les partis de gauche doivent se préparer dès maintenant à affronter cette offensive puisque les partis de droite ont déjà choisi de se soumettre à l’idéologie raciste. Il ne suffit plus de dénoncer les idées de l’extrême droite : il faut construire un contre-discours solide et investir dans des stratégies médiatiques capables de rivaliser avec celles de Bolloré, Zemmour et Bardella.

Les époux Poussin traversent l’Afrique à pied et soutiennent Zemmour

Photo de Taryn Elliott sur Pexels.com

Les jeunes gens figurant sur cette photo ne sont pas les fameux aventuriers Sonia et Alexandre Poussin. Ce que vous voyez ci-dessus est tout simplement une photo libre de droit qui m’a été proposée dans un moteur de recherche affilié à mon blog et qui génère des visuels gratuits. Lorsque j’ai saisi les mots « marcheurs Afrique », un grand choix de clichés m’a été donné, comprenant des paysages dignes de Michel Sardou chantant Afrique adieu. La photo que j’ai choisie ne m’a pas paru plus stupide ni plus stéréotypée que celles qui illustrent le récit de voyage de Sonia et Alexandre Poussin.

Leur best-seller s’intitule Africa Treck (Robert Laffont, 2004 et 2005), et relate en deux épais volumes leur périple à pied à travers l’Afrique. Le plus étonnant de ce livre apparaît à la toute fin de la narration. Avant de vous le dire, je vous pose la question et vous demande de prendre cette question comme un jeu : si vous deviez imaginer un itinéraire du sud au nord du continent africain, quel serait votre point d’arrivée ?

Je vous laisse réfléchir.

Ma femme m’a dit sans réfléchir : « La Tunisie ». Bon, elle est tunisienne, je ne sais pas si cela joue ou non. En tout cas, elle argumente qu’en Tunisie se situe le point le plus septentrional du continent, si c’est vrai c’est un point en sa faveur. Et puis terminer ce périple africain par Carthage, au nord de Tunis, ville en ruine construite par les Phéniciens, ça a en effet de la gueule et du sens historique.

Moi, spontanément, je dirais : « Gibraltar ». Nul besoin d’explication je pense.

Or, les époux Poussin n’ont pas fait ce choix. Ils ont opté pour une solution dont je m’étonne qu’elle n’ait pas été plus discutée, voire critiquée, dans le milieu de la littérature des voyages.

Le dernier épisode d’Africa Trek se situe en Israël. Pourquoi Israël ? Ce n’est pas en Afrique !

Ils passent la frontière entre l’Egypte et Israël avec une facilité suspecte. En marchant, tranquillement, avec leur sac sur le dos, comme des routards. Et leur commentaire à ce propos ne laisse pas d’être perturbant :

Nous n’avons jamais passé une frontière aussi rapidement, ni ressenti un tel contraste. Tout est propre et soigné, organisé et pensé. Ça sent l’Europe à plein nez. Ça pourrait être la Suisse. C’est Israël.

A. et S. Poussin, Africa Trek 2, p. 692.

Les préjugés. On comprend de suite ce que veulent dire les Poussin, puisqu’ils parlent de contraste : selon eux, l’Afrique est sale, négligée, désorganisée et irréfléchie. Si ce n’est pas du racisme, je ne sais pas ce que c’est.

Vingt ans après leur voyage de couple catholique, la presse nous apprend que les Poussin participent à des dîners de levée de fonds pour la campagne d’Éric Zemmour. Il est temps que les adeptes de la littérature de voyage ouvrent les yeux. Il existe une corrélation entre des termes apparemment antinomiques : raciste et humanitaire, africain et islamophobe, juif et discriminant, etc. J’ai déjà sonné l’alerte à propos de Sylvain Tesson, à propos de Priscilla Telmon et d’autres, ce qui m’a valu des reproches venus du monde académique et de lecteurs innocents.

Priscilla Telmon ou les impasses du voyage humanitaire

La Précarité du sage, 2011.

Il existe un réseau d’écrivains voyageurs réactionnaires qui prétendent ne pas faire de politique et qui se cachent derrière les termes vagues d’aventure, d’ailleurs, de rencontre, de liberté. Il est de notre responsabilité, à nous qui aimons la littérature géographique, d’au moins faire connaître cette tendance pour, éventuellement, dégonfler certaines baudruches.