Écoutant les énormités qu’il proférait en 2021, en préparation des élections présidentielles de 2022, je prédisais dans ce blog une chute physique de Michel Onfray, un accident médical, je sentais chez lui monter une catastrophe intime touchant sa vitalité même.
Les émissions dont il se rend coupable depuis quelques semaines confirment ma prophétie mais d’une manière insoupçonnée. Le philosophe est devenu fou. Sa chute, je ne m’y attendais pas, est simplement psychique. Il se met à parler de multivers, d’astronomie délirante digne d’une secte sans queue ni tête. Il est passé de l’autre côté de la barrière sanitaire.
On a perdu Michel Onfray, mais loin d’être prostré, il se porte bien et bavarde à qui mieux mieux dans un climat de psychose grassouillette.
Il est devenu la risée des comédiens de réseaux sociaux, comme le montre le sketch de Guillaume Meurice diffusé hier dans son émission comique du dimanche. Pour faire rire, il n’y a même plus besoin d’interpréter les paroles d’Onfray : diffuser des séquences entières en l’état est suffisant.
Je pourrais prendre un ton compassé, comme quand on assiste à l’internement d’un ami pris de bouffées délirantes. Mais je me dis que la chute de l’écrivain peut se muer en une dernière période riche de sa carrière. On ne sait jamais : il va peut-être nous régaler avec des fusées réactionnaires de plus en plus maladives et chatoyantes ! Ne désespérons pas, au contraire, prions qu’Onfray termine sa carrière en feux d’artifice d’aliénés et nous gratifie de délires aussi drôles que poétiques.
Carte mentale des circulations d’idées dans les médias Bolloré
Je regarde sans déplaisir les médias réactionnaires possédés par le milliardaire Vincent Bolloré pour deux raisons . 1. Il faut connaître ses ennemis, or le nationalisme identitaire est l’ennemi de la France. 2. Ils me divertissent.
Je me suis amusé à mettre au jour leur cohérence idéologique et leur secret de fabrication narratif. Je me limiterai au plus dangereux d’entre tous : la chaîne de propagande CNews, où une mécanique intéressante est à l’œuvre, qui finalement ne comprend qu’un nombre limité d’idées force répétées en boucle selon une recette et un dosage savamment orchestrés.
Un empire structuré comme une cour
Chaque chaîne, chaque rédaction, a son petit chef, un directeur loyal au grand patron. Chez CNews, c’est Serge Nedjar. Puis viennent les vedettes : Pascal Praud, figure tutélaire du ton et du style, puis les « sous-stars » – Christine Kelly, Sonia Mabrouk, Laurence Ferrari – et enfin les chroniqueurs, chargés d’apporter une illusion de pluralité : tout ce petit monde récite la même partition, des épices dans la recette, apportant des nuances de ton sans jamais affecter le plat principal.
Mission prioritaire non dite : protéger un milliardaire
Le premier moteur de cette machine, c’est la défense des intérêts économiques et symboliques du patron, et partant de la minuscule caste des ultra-riches. Les milliardaires et centi-millionnaires. Il faut faire silence sur eux. Quand on ne peut éviter d’en parler, notamment à cause de mouvements sociaux relayés par d’autres médias, on les présente sur CNews comme des modèles de réussite, des « talents », des « génies », des gens exceptionnels qu’il faut encourager plutôt que de les faire fuir en voulant les faire contribuer au bien commun. Le but est de ne surtout pas les montrer comme des bénéficiaires d’un système fiscal et médiatique qui les protège.
Et pour qu’on ne se mette pas à questionner cette protection, il faut détourner l’attention avec des sujets de discussion limités qui font système, sur lesquels les présentateurs peuvent tourner en boucle en donnant ainsi l’apparence de couvrir la diversité du réel.
Thème principal : désigner des boucs émissaires
Le détournement le plus massif s’appelle l’obsession migratoire. À longueur d’émissions, l’immigration, l’islam, causes de toute sorte de fléaux qu’on peut résumer sous le nom d’ « insécurité », saturent le débat. Le but n’est pas d’informer mais de provoquer et canaliser la colère : plutôt que de s’en prendre à ceux qui concentrent les richesses, on désigne les plus fragiles, les étrangers, les pauvres.
C’est une vieille recette : diviser pour régner, hystériser pour manipuler.
Vision du monde : sacraliser les stars, mépriser le peuple
Ce système repose sur une vision du monde archaïque et profondément ancien régime. Il y a les stars (du sport, du cinéma, de la politique, des affaires) et il y a « les autres ». Les autres, ce sont « les ratés », « les médiocres », selon les mots mêmes de Pascal Praud. Si vous critiquez une star, comme Sylvain Tesson en 2024, Depardieu ou Sarkozy en 2025, l’animateur sortira la même formule : « Mais qui êtes-vous ? Qui sont ces gens ? » Vous n’êtes ni célèbre ni richissime ? Vous êtes donc un raté.
C’est le sens du mot « populisme » : aimer le peuple tant qu’il demeure une masse soumise, humble, crédule et respectueuse. Dès qu’il prend la parole, il convient de le mépriser avec les mots de « sauvagerie », « ensauvagement » et « barbarie » pour désigner les musulmans, et « médiocres », « ratés » et « nains » pour les pauvres d’origine chrétienne.
Définir la justice : lutter contre l’État de droit
Autre pilier idéologique : le discours anti-justice. Sur ces plateaux, on martèle que la justice est « laxiste » avec les délinquants, mais « injuste » avec les puissants. Lorsqu’un Sarkozy est condamné, ce serait, paraît-il, une persécution due à des juges jaloux et haineux. La même chose s’est produites quand Marine Le Pen, Depardieu ou Éric Zemmour ont été condamnés. Le message est clair : le droit doit protéger les élites, pas les juger.
Ces émissions et ces tribunes ont surtout pour ambition d’affaiblir la justice en perspective des procès qui attendent le milliardaire Bolloré, propriétaire de la chaîne. Il sait qu’il sera condamné, donc il faut mettre en place une machine de guerre qui délégitime le processus judiciaire dans son ensemble pour espérer intimider qui de droit, et, qui sait, se faire relaxer.
Ce discours sape les fondements de l’État de droit et prépare les esprits à une démocratie sous tutelle, gouvernée par quelques-uns au nom de tous.
Projet politique : L’union des droites et la criminalisation de la gauche
Tout cela converge vers un but politique précis et explicite : l’union des droites. Derrière ce mot d’ordre, il s’agit de rendre l’extrême droite présentable, de la fondre dans la droite classique, jusqu’à la dominer. Les émissions de CNews, d’Europe 1 et les articles du JDD répètent jour après jour cette partition : l’extrême droite n’est plus une menace.
La menace est incarnée par la gauche que l’on rend responsable de tous les fléaux.
Défendre Israël et les régimes autoritaires
Le sionisme est une colonne vertébrale des médias Bolloré, car il présente l’avantage de se donner une belle image de « défenseur des juifs » tout en laissant libre cours aux instincts anti-arabes.
L’amalgame juif=Israélien=sioniste est souvent fait par Michel Onfray dans l’émission hebdomadaire qui lui est consacrée.
En parallèle, les émissions tressent des lauriers à tous les autocrates qui mettent en prison toute sorte de gens, qui interdisent la presse libre et qui font écho aux obsessions présentées ci-dessus.
Une machine à fabriquer la soumission
Ainsi se dessine une stratégie complète : protéger les riches, accuser les immigrés, glorifier les stars, disqualifier la justice. C’est cet ensemble qui permet d’avancer que ces médias représentent un danger pour la république. Le dénigrement de la démocratie ne se fait que par des discours qui tressent deux, trois ou quatre éléments de cette cartographie.
C’est une fabrique du consentement réactionnaire, bien huilée, spectaculaire, où l’information devient propagande en vue d’un régime autoritaire.
Si Dhôtel est mon écrivain fétiche, c’est parce que son roman pour enfants m’a ouvert, par étapes, les voies de l’émotion littéraire. Et en y repensant, je me rends compte que c’est sans doute le livre qui a le plus compté pour moi dans mes débuts de lecteur.
Et le paradoxe, c’est que je ne l’ai pas lu très jeune.
Je n’étais pas un enfant lecteur. Ni un bon élève, ni un de ces petits singes savants qui écrivent de jolis poèmes que les adultes adorent. Aucun adulte n’a jamais pensé que j’étais brillant ou intéressant. Je vivais une vie d’enfant. Je ne lisais pas. Je ne faisais pas les choses qui intéressent les adultes.
À l’école, je faisais mon travail plus ou moins. C’est ainsi qu’en classe de sixième, quand la professeur de lettres nous a fait lire Le Pays où l’on n’arrive jamais, je me suis exécuté. J’ai vaguement fait les exercices demandés. Je me souviens de la couverture, mais pas d’un plaisir particulier à la lecture. Ni rejet, ni passion. Je me souviens surtout que, dès la première page, il y avait des mots que je ne comprenais pas — comme « beffroi » par exemple. Pour moi, ce n’était pas un livre qui donnait envie.
Et pourtant, il a dû travailler quelque part, en silence, dans les replis de ma mémoire.
Des choses se sont imprimées.
Arrivé à l’adolescence, quand j’ai commencé à me cultiver, à m’intéresser aux arts et aux lettres, je me souviens avoir vu à la télévision un documentaire sur André Dhôtel. À l’époque, il était encore vivant, un vieil homme extrêmement sympathique. Je lui ai trouvé beaucoup de charme, et, surprise, beaucoup de points communs avec moi : nous roulions nos cigarettes, nous vivions dans une campagne pas très belle mais où il faisait bon vagabonder, nous étudiions la philosophie sans en faire un enjeu majeur de notre vie.
Alors je me suis dit : Si cet homme-là est un « grand écrivain », comme le dit la voix de Pierre-André Boutang, il faut que je ressorte mon vieux livre de sixième.
Et vers mes 17 ans, je l’ai relu. Cette fois-ci, l’émotion fut immense. Probablement préparée par une première lecture sans conscience de soi. Après la lecture, pendant une semaine, je ne savais plus distinguer le rêve de la réalité. J’étais dans un état d’enchantement, non pas tant à cause de l’histoire ou des personnages, mais à cause des lieux, des territoires, des paysages.
À tel point que, quelques années plus tard, je suis allé faire les vendanges dans le nord de la France, en Champagne, dans l’espoir de m’approcher des Ardennes. Mais dans les Ardennes, chez Dhôtel, il n’y avait pas de vendanges à faire, pas de travail pour moi.
Ce type de mouvement raté, aller dans l’Aube pour me rapprocher des Ardennes, est assez typique des décisions hasardeuses des personnages de Dhôtel. Se rajoutait à la bizarre association Ardennes/Aube, une attirance réelle pour l’aube, ainsi que la lecture de Gaston Bachelard qui évoque ses promenades dans la campagne champenoise dans L’Eau et les Rêves. Tout se mélangeait dans mon esprit de cancre rêveur.
Vous comprenez peut-être un peu mieux pourquoi je sens que Le Pays où l’on n’arrive jamais fonctionne comme la préhistoire de la sagesse précaire. Existence floue, voyage incompréhensible, déterminisme absolu, décisions aléatoires, passions inextinguibles pour l’échec et l’émerveillement.
Puis, à l’université de philosophie à Lyon, j’ai rencontré mon ami Ben, que les lecteurs de ce blog connaissent bien. Lui aussi avait lu Dhôtel. Cette rencontre fut décisive : je découvrais que mon attachement à cet écrivain n’était pas une rêverie solitaire. Il y avait une communauté invisible de lecteurs, une intersubjectivité, autour de Dhôtel. Avec Ben, en camaraderie, nous avons commencé à lire ses autres livres. Et c’est là que ma passion s’est définitivement affirmée.
Frédéric Beigbeder est la seule personne à avoir posé la bonne question à Sylvain Tesson. L’ensemble de l’entretien se cristallise dans ce moment. Soudain, il lui demande : « Mais comment vous payez ces expéditions ? Ça coûte une blinde ! C’est l’éditeur qui vous organise tout ça ? » La question est magistrale. Parce qu’évidemment, tout le monde connaît la réponse, mais il y a davantage que la réponse dans la question.
Moi, dans mes premiers textes critiques sur la littérature de voyage, il y a déjà vingt ans, je le disais : la question de l’argent est fondamentale et trop souvent escamotée par les auteurs. Car pour voyager sans travailler sur place, comme je le fais depuis 1998, il faut pouvoir prendre plusieurs mois de vacances. Partir, c’est bien beau, mais que fait-on au retour ? Que fait-on de ses affaires, si on en a ? Comment gagne-t-on sa vie ? Et quand on part plusieurs mois chaque année, cela demande une organisation conséquente.
Et Tesson, évidemment, ne parle jamais d’argent. Or, quelqu’un qui ne parle jamais d’argent, ce n’est pas parce que cela ne l’intéresse pas. C’est parce qu’il en a suffisamment pour que ce ne soit jamais un problème. Ceux qui ne parlent que d’aventure, d’ailleurs, d’amour, et jamais d’argent, sont souvent ceux qui ont une très bonne gestion financière — et une grande compétence dans ce domaine. C’est son cas.
D’une part, c’est un héritier richissime, propriétaire d’un appartement au centre de Paris. D’autre part, il est aussi héritier d’un capital culturel gigantesque, qui lui donne de nombreux contacts dans les médias et la presse. Mais c’est aussi un très bon businessman. On l’avait déjà noté il y a quinze ans à propos de son livre qui raconte ses vacances au bord d’un lac gelé : à la fin de ce livre, il remercie des entreprises et la diplomatie, qui ont donc financé son voyage.
Car il fait partie des très rares personnes qui non seulement n’ont pas besoin de travailler pour voyager, mais qui n’ont même pas besoin de dépenser de l’argent. Contrairement à tous les Français qui économisent pour partir, puis rentrent pour regagner de l’argent, lui, il se fait financer.
Et sa réponse à Beigbeder est laconique, mais suffisante : « Comme mon père n’a jamais accepté les subventions de l’État pour son amour du théâtre, de même, j’obtiens des financements privés grâce à de merveilleux amis. » Ces merveilleux amis, cela ne veut rien dire. Dans ce milieu de la haute bourgeoisie, les amis sont des collaborateurs, des associés en affaires. Bien sûr, on tisse des liens. Les bourgeois sont des êtres humains comme nous. Mais ce sont des associés avant tout.
Il remerciait autrefois les entreprises à la fin de ses livres, mais il a probablement arrêté, la ficelle étant trop grosse. Cela entachait l’image d’aventurier vagabond qu’il cherche à se donner. Il existe sans doute aujourd’hui des associations ou collaborations financières, gérées par son agent, avec des entreprises richissimes. Il leur propose peut-être des stages, des rencontres, des moments privilégiés avec les hauts cadres de telle ou telle boîte. Des entreprises profitent de l’image de Sylvain Tesson, mais à un niveau confidentiel, réservé aux invités de marque.
C’est toute la stratégie des happy few : on conserve l’aura de mystère, celle du clochard céleste, et en même temps on développe un business model redoutable, extrêmement efficace — mais uniquement parce qu’il est rare. Ce modèle ne peut être reproduit ni par vous, ni par moi. Il repose sur une personnalité construite comme exceptionnelle, comme rare. C’est de la rareté organisée. C’est un produit de luxe.
La question posée par Beigbeder nous permet de comprendre cela. Donc bravo à lui. Et seul un mec de droite comme lui pouvait poser cette question. Il fallait que ce soit une conversation entre bourgeois, dans un lieu feutré. Si Mediapart avait posé cette question, Tesson n’y aurait même pas répondu, et la fachosphère aurait hurlé à l’inquisition idéologique menée par des médiocres hostiles à l’argent. Il fallait que ce soit un grand bourgeois pour que la question ne paraisse ni négative ni malveillante.
Et c’est précisément ce qui la rend si éclairante.
Pendant la pandémie de Covid-19, le professeur Didier Raoult est devenu une figure incontournable du débat public en France. Ses prises de position sur l’hydroxychloroquine et sa gestion de la crise ont suscité de vives polémiques. Pourtant, en prenant du recul, je comprends pourquoi, malgré les controverses, je tends à défendre certaines de ses idées.
D’abord, il faut situer le contexte. Toute ma vie, j’ai été entouré de personnes convaincues des bienfaits de l’homéopathie et d’autres médecines dites alternatives. Bien que je considère l’homéopathie comme une charlatanerie, j’ai observé à quel point des thérapies sans fondement scientifique peuvent se légitimer à force de lobbying, de publicité et de remboursement par la Sécurité sociale. Ces pratiques sont souvent défendues par des professionnels de santé non pas pour leur efficacité scientifique, mais parce qu’elles semblent apporter un certain bien-être aux patients.
Dans ce cadre, je comprends mieux la stratégie de Didier Raoult. Contrairement à l’homéopathie, il a choisi de promouvoir un traitement basé sur un médicament réel, l’hydroxychloroquine, un choix symbolique mais cohérent. Il ne s’agissait pas de défendre une panacée, mais de répondre à une crise avec ce qu’il considérait comme une option possible, même si ses résultats étaient discutables.
Cependant, ce qui m’a convaincu chez lui dépasse largement cette controverse sur le médicament. Ses principes fondamentaux étaient profondément médicaux et humains :
1. Ne pas laisser une population sans soins.
Raoult s’est opposé à la stratégie consistant à demander aux malades de rester chez eux, de ne consulter qu’en cas de détresse respiratoire, et de limiter les hospitalisations. Pour lui, c’était une erreur grave de la part des autorités sanitaires. Face à une population malade ou angoissée, il défendait l’idée qu’un médecin doit agir, même en l’absence de solution parfaite.
2. Tester, isoler et prévenir.
Il a été parmi les premiers à insister sur l’importance des tests massifs et de la quarantaine pour limiter la propagation du virus. En tant qu’épidémiologiste, il comprenait l’urgence d’identifier rapidement les cas positifs, notamment parmi les voyageurs venant de zones à risque comme la Chine. Cette approche, rejetée par les autorités françaises au début de la crise, s’est révélée essentielle par la suite.
Ces deux points soulignent un problème plus large dans la gestion de la crise : une incapacité des autorités à écouter des voix divergentes et à réagir rapidement. Le refus de fermer les frontières ou de tester massivement a laissé place à des mesures tardives, alimentant des théories complotistes et une méfiance généralisée envers le pouvoir.
Enfin, le professeur Raoult incarne une génération de médecins pour qui ne rien faire face à un patient malade est inconcevable. Il a choisi de proposer quelque chose – un placebo ou non – car pour lui, cela répondait à un besoin humain et éthique : soulager, rassurer, accompagner. Cette vision, bien que critiquée, reflète un instinct profondément médical qui mérite d’être reconnu.
Ainsi, défendre Didier Raoult ne signifie pas cautionner toutes ses prises de position, mais reconnaître qu’au cœur de son action se trouvait une volonté sincère d’aider, dans un contexte où l’incertitude régnait.
Image générée automatiquement quand j’ai tapé les mots : « Le divertissement des récits racistes » dans la banque d’images gratuites de mon blog.
On peut reconnaître une chose à Pascal Praud : c’est un professionnel de la télévision. Il a réussi à créer une ambiance, un rythme, un cadre dans lequel le téléspectateur fatigué trouve son compte. C’est du spectacle. Mais ce spectacle, derrière son apparente légèreté, est profondément utile. Il révèle quelque chose. Il met en lumière l’adversaire. L’adversaire de la liberté, de l’inclusion, de la République telle qu’on voudrait qu’elle soit : ouverte et égalitaire.
Une séquence qui en dit long
Hier soir, une séquence m’a particulièrement marqué. Le présentateur évoquait un bébé israélien pris en otage par le Hamas. Autour de ce sujet, trois professionnels : un autre présentateur cité en exemple, une journaliste spécialiste du dossier, et Pascal Praud lui-même. L’objectif était clair : humaniser cet enfant, faire ressentir au spectateur toute l’horreur de cette situation.
Et bien sûr, cela fonctionne. On compatit. On s’émeut. On s’identifie à cette famille israélienne en souffrance. Mais dans le même temps, une question s’impose : où sont les autres bébés ? Où sont les milliers d’enfants palestiniens massacrés dans ce conflit ? Leur humanité, leur souffrance, sont-elles moins dignes d’attention ?
Ce silence assourdissant, cette absence, révèle une idéologie. On veut nous faire pleurer sur le malheur d’une famille, et c’est légitime, mais ce faisant, on occulte volontairement l’autre camp. Comme si ces enfants palestiniens, ces familles détruites, ne méritaient pas le même regard, la même compassion.
Une idéologie décomplexée
Cette séquence de télévision est le reflet d’un racisme décomplexé. Elle repose sur une dichotomie : d’un côté, des êtres humains, de l’autre, des barbares. C’est cette pensée qui permet de traiter un camp avec humanité et l’autre comme une masse indistincte, déshumanisée, réduite à des chiffres ou des clichés.
Et c’est là le cœur du problème. Ce n’est pas seulement une question de narration biaisée. C’est une question de regard sur le monde. Ce racisme tranquille, diffus, se manifeste dans cette incapacité à accorder aux Palestiniens la même individualité, la même dignité qu’aux Israéliens.
Regarder pour comprendre
Alors, pourquoi continuer à regarder une émission comme celle-ci ? Parce qu’elle divertit, oui, mais aussi parce qu’elle éclaire. Elle met en scène une pensée en action, celle qui façonne une partie de l’opinion publique, qui légitime des politiques, qui nourrit des discours d’exclusion et de haine.
Regarder, c’est aussi se préparer. Voir l’adversaire fourbir ses armes, comprendre ses mécanismes, ses stratégies. Ce n’est pas agréable, mais c’est nécessaire.
Et si l’on veut un jour bâtir une société réellement inclusive, réellement républicaine, il faut commencer par dénoncer ces récits, ces silences, et ces regards biaisés.
Photo générée par la banque d’images gratuites quand j’ai saisi : « raz-de-marée réactionnaire ».
La politique française semble aujourd’hui absorbée par des débats institutionnels : nomination d’un Premier ministre, chutes gouvernementales, votes budgétaires, et une Assemblée nationale paralysée par ses divisions. Pourtant, une menace bien plus grave se profile à l’horizon, et elle semble largement sous-estimée : le réarmement idéologique et médiatique de l’extrême droite.
Ce danger ne se limite pas à la montée en puissance du Rassemblement National de Marine Le Pen, ni des émissions divertissantes des chaînes de télé possédées par des milliardaires nationalistes. Si certains avancent que Le Pen pourrait être empêcher de se représenter en 2027, c’est ailleurs que l’extrême droite affine sa stratégie. Le parti d’Éric Zemmour, en dépit de son absence d’élus et de la performance médiocre des dernières présidentielles, prépare un retour fracassant sur la scène publique.
Une offensive médiatique bien orchestrée
Grâce au soutien financier de riches militants antirépublicains, Zemmour bénéficie de ressources médiatiques colossales. La chaîne Canal+, propriété de Bolloré, prépare actuellement une série télévisée basée sur l’un des livres de Zemmour. Cette production, prévue pour 2025, vise à diffuser ses idées réactionnaires et racistes sous une forme audiovisuelle attrayante et accessible.
L’enjeu est clair : utiliser la puissance des médias pour imposer dans le débat public des discours anti-musulmans, anti-progressistes et profondément rétrogrades. En capitalisant sur une réalisation soignée, cette série risque de séduire un large public et de dominer l’agenda médiatique dès sa diffusion, ouvrant la voie à une campagne présidentielle 2027 déjà en préparation.
Une stratégie multifacette
Le dispositif ne s’arrête pas là. Sarah Knafo, compagne de Zemmour et énarque, s’impose de plus en plus comme une figure médiatique de premier plan. Avec une rhétorique affûtée, elle multiplie les apparitions sur les plateaux télé, où ses propos passent souvent sans contradiction. Parallèlement, Zemmour pourrait publier un nouveau livre, renforçant encore sa visibilité et sa capacité à structurer le débat public autour de ses thèses.
Dans le même temps, Marine Le Pen pourrait se retirer, laissant la place à Jordan Bardella, dont la stratégie repose sur une forte présence sur les réseaux sociaux, mais avec un contenu idéologique plus flou. Face à cela, Zemmour et son militantisme raciste incarnent une extrême droite idéologiquement plus agressive, capable de saturer l’espace médiatique avec un discours structuré et percutant.
Les signaux faibles d’une tempête à venir
Photo proposée par le moteur de recherche du blog quand j’ai saisi le titre de mon billet en anglais
Tout converge vers une montée en puissance de l’extrême droite, qui s’appuie sur des outils modernes et efficaces : audiovisuel, réseaux sociaux, séries. Comme rien n’est fait pour contrer cette stratégie, 2025 marquera le point de bascule, avec une domination médiatique totale des idées réactionnaires.
Les partis de gauche doivent se préparer dès maintenant à affronter cette offensive puisque les partis de droite ont déjà choisi de se soumettre à l’idéologie raciste. Il ne suffit plus de dénoncer les idées de l’extrême droite : il faut construire un contre-discours solide et investir dans des stratégies médiatiques capables de rivaliser avec celles de Bolloré, Zemmour et Bardella.
J’ai voulu voir la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques pour des raisons professionnelles. Comme je travaille dans le domaine culturel, j’étais curieux de découvrir le travail de Thomas Joly, homme de théâtre, dans cette gigantesque performance.
Une petite voix en moi, il faut l’avouer, celle du patriotisme mou — une des dimensions de la sagesse précaire — espérait aussi ressentir une forme d’émotion patriotique.
Je me souviens combien les Chinois, en 2008, étaient excités et fervents à l’approche des JO et combien ils ont ressenti de fierté nationale lors de la cérémonie d’ouverture, cérémonie qui m’avait énormément impressionné. À vrai dire, c’est la seule dont je me souvienne.
Résultat des courses : peut-être que celle de Paris restera dans les mémoires à égalité avec celle de Pékin. Mais je fais cette hypothèse en me basant sur ce que la presse rapporte depuis la fin de la cérémonie, car moi, je n’ai pas été particulièrement impressionné.
Je suis allé voir cette cérémonie dans un café, mais la télévision n’avait pas de son. Quand j’ai vu Aya Nakamura, je ne savais pas ce qu’elle chantait. Quand j’ai vu Philippe Katerine, je ne savais pas quoi penser.
La pluie sur l’écran me paraissait plutôt attendrissante, et je me suis dit qu’ils n’avaient probablement pas prévu cela. Mais je ne ressentais rien, ni fierté nationale, ni émotion, ni dégoût, ni gêne. Peut-être était-ce à cause du son, mais je ne ressentais absolument rien.
Les gérants du café ont arrêté la diffusion bien avant la fin pour mettre une série d’un autre pays. J’ai été trop paresseux pour aller voir un autre café et la fin de la cérémonie. Donc, je n’ai rien vu de ce qui aurait pu émouvoir le peuple, comme la performance de Céline Dion. Je suis obligé de me fier aux avis des autres : les émus, les choqués, les éternels râleurs, et les professionnels de la critique.
La sagesse précaire, quoi qu’il en soit, apprécie l’utilisation du paysage urbain existant, plutôt que la construction d’un bâtiment spécialement pour ça. L’aspect sécuritaire et invivable pour les habitants était inévitable et ne mérite pas de critique durable. Les Parisiens des quartiers concernés étaient prévenus depuis longtemps et pouvaient s’organiser. Les effets sur la pollution sont les mêmes que pour tous les JO, et à moins d’interdire tous les événements internationaux, il n’y a pas grand-chose à reprocher aux organisateurs de Paris 2024. Me semble-t-il.
Conclusion : le sage précaire soutient les JO de manière modérée, comme il l’a fait pour le Mondial de football au Qatar. Et de même que pour le Qatar, le SP n’a reçu aucun pot de vin pour ce soutien public, tout corruptible qu’il se revendique.
Ce qui m’a le plus intéressé dans la campagne de La France Insoumise, c’est leur capacité à faire coexister différentes figures puissantes au sein d’un mouvement sans pilier central unique. Contrairement aux campagnes de Glucksmann et de Bardella, celle de La France Insoumise reposait sur trois personnalités distinctes qui ont dominé les médias.
D’abord, Jean-Luc Mélenchon, le chef omnipotent, a réussi à régner sur ses troupes malgré des dissensions internes. Ensuite, Manon Aubry, avec son premier mandat européen, a su démontrer tout son travail politique, économique et institutionnel, incarnant le sérieux et le renouvellement au sein du groupe. Enfin, Rima Hassan, juriste d’origine palestinienne, a marqué les esprits par sa beauté et sa capacité à répondre avec grâce et fermeté aux interviews agressives, mettant en avant la question palestinienne avec une compétence juridique et un aplomb remarquables.
Ces trois figures ont représenté des aspects différents mais complémentaires : Mélenchon avec une stratégie radicale visant à mobiliser les abstentionnistes, Aubry avec un travail concret et intellectuellement rigoureux, et Hassan avec sa capacité à aborder des sujets sensibles et actuels. Leur coordination a montré que La France Insoumise était le parti qui travaille le plus efficacement, à divers niveaux stratégiques, médiatiques et programmatiques.
Ce qui m’impressionne particulièrement chez eux, c’est leur capacité à comprendre les nouvelles compositions populaires de la France, représentant divers groupes marginalisés comme les Français d’origine africaine, les intellectuels précaires, les paysans coopératifs et les jeunes. Leur campagne a été exemplaire, réussissant à augmenter leur score par rapport aux précédentes élections, malgré le fait que les élections européennes ne soient historiquement pas favorables à la gauche radicale. Cette réussite démontre une intelligence politique et stratégique qui mérite d’être saluée par une troisième place dans le palmarès de la sagesse précaire.
On a vu ce qui s’est passé tout le long des élections européennes. Une bonne partie de la France cherche à criminaliser la gauche. Et pour criminaliser la gauche, on s’en prend à son chef le plus charismatique, Jean-Luc Mélenchon. Donc on tape sur lui, abondamment, de tous côtés. Les gens disent qu’il est un frein, qu’il est un poids, qu’il est un repoussoir. Ce qui n’est pas complètement faux pour des personnes âgées surtout. Mais il est un repoussoir aussi parce qu’il concentre toutes les attaques sur lui.
S’il se retirait de la lumière, étant donné que la classe médiatique a très peur de la gauche, et qu’elle est organisée contre un projet de rupture, elle concentrerait exactement la même intensité de l’attaque sur différents sujets, sur le leader suivant. Ça pourrait être n’importe qui. Et d’ailleurs, si Mélenchon se retirait, la plus grande probabilité est que les chefs se retrouveraient à nu et ne trouveraient pas de point d’entente. Marine Tondelier serait incapable de s’entendre avec M. Faure, qui serait très agacé par M. Roussel, et qui serait à son tour radicalement opposé à M. Bompard ou Mme Pannot. Et ils ne trouveraient pas de point de ralliement.
Depuis 2022, et pour la première fois depuis longtemps dans l’histoire de la gauche, l’ensemble des partis de gauche se mettent d’accord sur un programme. C’est déjà extraordinaire. Ils passent des accords électoraux, et s’ils font campagne sans leader, eh bien c’est rafraîchissant.
Mais ceux qui aiment la France voteront pour eux.
Des collusions avec des puissances étrangères
D’un pur point de vue géopolitique, tous les partis en place ont des connivences avec des étrangers, mais c’est le front de gauche qui présente le moins de prises à l’argument de collusion avec l’ennemi. D’un côté, nous avons des soutiens du président russe Vladimir Poutine, qu’on trouve surtout à l’extrême droite. D’un autre, on trouve des soutiens inconditionnels à Israël, beaucoup présents au RN, chez les Républicains et dans le bloc centriste. On en trouve aussi quelques-uns dans les appareils de partis affiliés au centre gauche, mais ils ne pèsent pas très lourd dans la dynamique du bloc populaire.
Le gros des forces de gauche, pour essayer de faire contrepoids, est accusé d’être antisémite et d’aimer le Hamas plutôt que d’aimer la France. Or, il n’y a jamais eu de soutien inconditionnel au Hamas. On a essayé de lier la France insoumise au Venezuela, disant que Mélenchon serait Chavez, une comparaison faite par le philosophe Raphaël Enthoven, lorsqu’il a dit qu’il voterait pour l’extrême droite plutôt que pour la gauche, révélant ainsi sa vraie nature. Il a préféré Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, « Trump à Chavez », montrant par là qu’il serait prêt à accepter que la France se donne au néofascisme, du moment qu’on laisse Israël commettre le nettoyage ethnique en regardant ailleurs.
Cette histoire de Venezuela était une blague. Personne n’a jamais cru qu’un parti de gauche était vraiment sous l’influence d’un pays d’Amérique du Sud. Comparé au lien évident entre la Russie et l’extrême droite française, il n’y avait jamais eu de lien de subordination concret. Au contraire, les pays d’Europe orientale favorisent la montée de l’extrême droite en France, depuis des années. La presse révèle même que des membres du RN (ou proches du RN) sont payés pour produire de la propagande pro-russe.
La soumission à l’État d’Israël est une chose différente mais tout aussi grave, car on trouve des personnalités jusqu’à la tête de l’Assemblée nationale qui déclarent leur soutien inconditionnel à ce pays. On assiste à un vrai problème de loyauté. C’est pourquoi la critique à la France insoumise et à Mélenchon est si dure et intense aujourd’hui. L’accusation d’antisémitisme est infondée, mais elle se comprend car il existe un petit nombre de personnes très influentes dans les médias et les lieux de pouvoir pour qui il ne faut pas toucher à Israël. Si on défend le droit des Palestiniens, cela les rend extrêmement nerveux. Le fait que l’on ose dénoncer un génocide en cours commis par les Israéliens rend cette communauté nerveuse.
Il ne s’agit pas que de personnes de confession juive, mais aussi de catholiques, protestants et même des musulmans pro-Israël. C’est une option politique, un soutien total à Israël, quelque chose d’épidermique. Comme ils n’ont pas d’arguments face à ceux qui défendent la Palestine, ils les traitent d’antisémites. Et pour convaincre les Français, ils composent des plateaux télé du matin ou soir avec des intervenants répétant en boucle les accusations. La réalité est qu’il n’y a pas vraiment d’antisémitisme parmi les militants du Front Populaire, et c’est chez eux que l’on trouvera plutôt des gens qui veulent défendre la France.
C’est la raison pour laquelle la sagesse précaire, qui est un patriotisme mou et un libéralisme solidaire, préférera donner comme consigne d’aller voter au second tour pour les candidats du Front Populaire.