Il résulte de cette campagne électorale trois vainqueurs et une recomposition du paysage politique.
La victoire d’Emmanuel Macron est un événement historique mais elle était prévue, prédite et pressentie. Il a dû faire des erreurs mais comme il a gagné, il a été le meilleur, que peut-on dire de plus ? Avec l’équipe de bras cassés qu’il se traîne, soutenu par un parti sans doctrine, sans talent et sans identité, il a réussi là où personne ne pouvait réussir. Personnalité peu aimable, impopulaire et peu admiré, son succès a quelque chose de désarmant. Bien sûr, quand on a derrière soi les plus grandes fortunes prédatrices d’un pays, cela aide, mais ce n’est pas suffisant car il faut aussi beaucoup de talent et une chance inouïe. On a envie de lui dire, comme au sélectionneur Didier Deschamps : « Tu ne fais pas des choses qui nous plaisent, tu développes un jeu ennuyeux, mais bon, quelque chose en toi fait que tu gagnes alors vas-y, prends les rênes et tâche de ne pas nous faire trop de mal. «
Le bon résultat de Marine Le Pen prouve qu’elle a admirablement réussi son coup : à la fois capitaliser sur son nom, profiter pleinement du travail de son père, surfer sur sa notoriété dans l’électorat populaire, et adoucir son image. Sa stratégie de dédiabolisation a fonctionné comme sur des roulettes. Même les critiques lui ont profité, c’est très fort.
Même la concurrence incroyable que lui a imposé Éric Zemmour des mois durant, elle en a fait son miel en sachant se faire discrète et en faisant profil bas. C’est de l’art martial en quelque sorte, puisqu’elle a su utiliser à son profit la force de ses adversaires. Elle a eu raison de laisser Jordan Bardella et Louis Alliot courir les plateaux télé, car elle n’est pas très bonne face aux micros.
Surtout, Marine Le Pen a eu un flair épatant en jouant la carte « éleveuse de chats ». C’était cul-cul, mais beaucoup de Français sont cul-cul. Des millions d’électeurs ont le même amour virtuel des animaux. Un amour tamisé par le filtre des réseaux sociaux et de Walt Disney. Un amour des animaux sans animalité si l’on peut dire. Je songe à tous ceux qui adorent les chats en occultant le fait qu’ils constituent une vraie menace sur la biodiversité. Lors du débat avec le président sortant, Le Pen a sorti un argument qui est passé inaperçu dans les médias mais qui a eu du poids dans la France guimauve qui se veut l’amie des bêtes : à propos des vaches qu’on allait abattre pour les bouffer, elle a désapprouvé qu’on leur fasse prendre l’avion pour « réduire la souffrance animale ». Génial, politiquement. Macron a été muet sur ce point, il n’a même pas entendu car il surplombait, comme Jupiter. Mais ce que personne n’a relevé, des millions d’oreilles l’ont entendu et ont apprécié.
Enfin le troisième vainqueur de cette élection, c’est bien sûr Jean-Luc Mélenchon. On lui doit la renaissance d’une gauche plus intéressante que celle du Parti socialiste. Là aussi, quel score pour un homme détesté de toute part. Face à une telle hostilité et compte tenu d’un abstentionnisme prôné par des stars de gauche, recueillir un tel suffrage est la marque d’une stratégie intelligente et d’un travail de terrain impressionnant, piloté par des gens qui savent s’organiser. J’entends souvent dire que Mélenchon est un « bon orateur », et que c’est là sa principale qualité. C’est faux, s’il n’avait que son talent oratoire, il aurait obtenu le score d’un Jean Lassalle ou d’un Éric Zemmour.
Zemmour justement. Sa défaite est l’autre bonne nouvelle de ce scrutin. Si seulement on pouvait s’en être débarrassé, ce serait merveilleux. Mais je n’y crois pas, malheureusement.
L’avenir proche nous dira s’il faut compter Zemmour parmi les vainqueurs ou les vaincus de cette présidentielle, qui ne fut pas moins passionnante qu’une autre.
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