Red Sea Museum, le nouveau musée de Jeddah chante la Mer Rouge

Un musée maritime vient d’ouvrir en Arabie saoudite. Le Red Sea Museum est consacré à l’histoire longue et foisonnante de cette mer qui se termine par le canal de Suez.

Quand vous pensez Arabie Saoudite, dorénavant, il convient d’ajouter la mer à vos images de désert. Et quand vous pensez Mer Rouge, vous pourrez ajouter ce musée à vos souvenirs de lecture d’Henri de Monfreid et de Romain Gary.

Le choix de Jeddah s’impose comme une évidence. Ville portuaire depuis des siècles, porte d’entrée des pèlerins venus de l’ensemble du monde musulman vers La Mecque, Jeddah a toujours été la cité d’Arabie la plus ouverte sur le monde. C’est dans sa vieille ville, Al-Balad, au cœur d’un bâtiment historique du XIXᵉ siècle, la maison Al-Bunt, que le visiteur est invité à explorer ce territoire fascinant. Dès les premières salles, cartes anciennes, objets maritimes, archives, œuvres d’art contemporain et documents scientifiques s’entremêlent pour raconter une histoire sans frontières nettes : celle des routes, des échanges, des paysages sous-marins, des croyances, des pèlerinages, des mythologies et des cauchemars.

Le Red Sea Museum tient à la fois du musée d’art, du musée d’histoire naturelle, de l’institution ethnographique et du centre de géographie historique, sans jamais donner le sentiment d’une accumulation confuse. Cette maîtrise se ressent dans l’organisation spatiale :

  • le rez-de-chaussée s’ouvre comme un vaste hall, évoquant à la fois une gare maritime et un marché au poisson, mais des poissons de luxe, pas des harengs et des sardines. Le rez-de-chaussée est lieu de flux et de rencontres.
  • Le premier étage, à l’inverse, est composé d’une succession de chambres presque domestiques, comme dans un hôtel de province. Un hôtel de voyageurs et de représentants de commerce. Cet étage invite à une déambulation plus intime.
  • Enfin, le troisième étage s’ouvre sur un café sur le toit, que j’interprète comme la cabine d’un bateau : quand on sort sur le pont, on peut voir à bâbord le port et la mer ; à tribord la grande place et la belle mosquée Al-Rahman.
Le sage précaire sur le toit-terrasse du RSM, Jadidah, décembre 2025

L’ensemble se visite sans fatigue car l’équilibre est atteint entre objets naturels, archives, création contemporaine et contenu audio-visuel.

Une équipe au sommet de la muséologie contemporaine

Cette cohérence tient beaucoup à la qualité de l’équipe qui a porté le projet. Le commissariat général a été supervisé par Mona Khazindar, figure majeure de la scène muséale saoudienne, forte de plus de vingt ans d’expérience dans les musées de Paris et du Proche-Orient, aujourd’hui conseillère auprès du ministre saoudien de la Culture. La rénovation du bâtiment a été confiée à François Chatillon, référence incontournable dans le domaine des monuments historiques. Quant à la scénographie, elle est signée par l’agence Nathalie Crinière, garantissant une grande diversité d’ambiances et une attention constante portée à l’expérience sensorielle du visiteur.

Entre science, foi et navigation

L’entrée du musée Dans une nef centrale, une grande table animée retrace les millions d’années de l’histoire géologique de la Mer Rouge. Au fond, une ancre monumentale du XVIIᵉ siècle, récemment remontée des fonds marins, agit comme un point d’ancrage symbolique. Entre ces deux pôles, une vitrine rassemble des objets rares et profondément émouvants : boussoles indiquant la direction de La Mecque, conçues comme de petites boîtes finement décorées ; miniatures colorées où la Kaaba côtoie la mer, les montagnes et les mosquées. Ces objets, à la fois naïfs et sacrés, résument l’essence même de la civilisation de la Mer Rouge : populaire, voyageuse, pieuse et mercantile.

Oriental Blue, d’Anish Kapoor

L’art contemporain irrigue l’ensemble du parcours, avec une attention particulière portée à plusieurs générations d’artistes saoudiens aujourd’hui reconnus à l’international. Leurs œuvres, disséminées dans le musée, dialoguent entre elles et avec les collections historiques.

Dès le rez-de-chaussée, l’installation We Are Coral de Manal AlDowayan capte le regard. Des fils suspendus au plafond, chargés de pièces de verre, composent un récif corallien vu par en dessous. La beauté de la lumière et de la transparence entre en tension avec la conscience aiguë de la fragilité de cet écosystème, plaçant le visiteur dans un état esthétique volontairement inconfortable. En écho, les peintures de Shadia Alem présentent une série de sirènes issues d’un livre d’artiste manuscrit en arabe, figures mythiques surgissant d’un imaginaire maritime et enfantin.

Les sirènes de Shadia Alem
Le livre d’artiste de Shadia Alem

Au premier étage, plusieurs salles sont consacrées à La Mecque et au pèlerinage. C’est là que l’on découvre Magnetism d’Ahmed Mater : une œuvre devenue emblématique, où la Kaaba est figurée comme un aimant autour duquel des épingles métalliques se courbent en un mouvement circulaire. Une méditation visuelle puissante sur la dévotion, l’attraction spirituelle et la dynamique collective du rite.

People in Context, de Faisal Samra

Plus loin, une chambre entière est dédiée à Faisal Samra et à son projet People in Context, qui recouvre murs et écrans de photographies et de vidéos documentant les métiers traditionnels de Jeddah. Parmi eux, un artisan du bois explique la fabrication des moucharabiehs caractéristiques du quartier ancien Al Balad : Ahmed Angawi. Ce n’est qu’à la fin de la visite que l’on découvre qu’Angawi est également artiste.

Au troisième étage, il signe l’encadrement du café : une composition de modules de bois imbriqués qui, à y regarder de près, dessine des vagues et des silhouettes de poissons emportés par le mouvement.

Du récif suspendu de Manal AlDowayan aux vagues de bois d’Angawi, le musée propose ainsi une méditation plurielle sur la mer, portée par des artistes issus d’un pays que l’on associe rarement à l’univers maritime.

Un dialogue international

L’art international n’est pas en reste. Oriental Blue d’Anish Kapoor résonne dans une salle entièrement baignée de bleu au premier étage.

Robert Polidori, Photographies digitales imprimées sur toile, 2019.

Le Marocain Mohssin Harraki présente une série de gouaches rendant hommage au grand géographe médiéval Al-Idrissi. Le photomontage de l’artiste malgache Maala Andrialavidrazana, d’une puissance visuelle remarquable, a d’ailleurs été choisi par le ministère de la Culture pour illustrer la couverture du catalogue du musée.

Un musée francophile… pour le moment

Un dernier point retiendra particulièrement l’attention des visiteurs francophones. La présence insistante d’artistes, de photographes et d’écrivains de langue française traverse l’ensemble du parcours, du XVIIᵉ siècle à aujourd’hui. À tel point que l’on pourrait imaginer, à partir de ces seules œuvres, un musée parallèle intitulé La Mer Rouge vue par des yeux francophones. Cette prégnance, sans doute appelée à évoluer, témoigne néanmoins de la profondeur historique des échanges culturels autour de la Mer Rouge.

Ne m’accusez pas d’être nationaliste, pour l’amour de Dieu, mais j’ai trouvé émouvant de voir tant d’œuvres et de témoignages venus de France. En toute hypothèse, on peut présumer que cette francophilie inattendue est directement liée aux équipes muséolographiques, et notamment les commissaires. Le jeune médiateur qui me fit visiter le musée ne semblait pas très heureux de ce qu’il voyait comme une hégémonie culturelle.

Portraits d’Egypte, de Denis Dailleux

Si le sentiment de ce jeune homme perdure et s’il est partagé, alors c’est le moment pour vous lecteurs francophones de vous rendre à Jeddah avant que les accrochages ne changent et ne toilettent toute cette collection française au profit de choses plus délibérément saoudiennes.

Autochtone de Jeddah, de Paul Castelnau, 1918.

Ahmed Abodehman, l’auteur de La Ceinture, vient de mourir juste avant de me rencontrer

Photo de Thierry Mauger sur la couverture de La Ceinture

Un grand poète arabe et francophone vient de s’éteindre, qu’il repose en paix.

Je venais de lire pour la deuxième fois son fameux roman La Ceinture, écrit en français et publié chez Gallimard en 2000. J’aimais tellement ce livre que j’ai formé un petit groupe de lecture avec deux amis Saoudiens. Le but de notre club était initialement de comparer les versions de La Ceinture. Majed l’avait lu en arabe il y a vingt ans et le relisait pour le bien de nos réunions. Mariam, qui avoue être plus à l’aise en anglais qu’en arabe, avait acheté une version anglaise du roman en question, The Belt.

J’avais initié ce petit groupe car je trouvais la prose de ce poète saoudien très osée. Sur des questions tabous, concernant le sexe, les rapports filiaux, les sentiments contrariés à l’intérieur des familles, il se permettait des phrases et des scènes que j’imaginais impossibles à écrire dans sa langue maternelle. Il avait peut-être choisi le français pour se cacher de sa propre famille, tout en s’offrant le prestige d’une langue reconnue dans le monde culturel.

J’étais curieux de savoir ce qu’il en était dans la traduction arabe qu’Ahmed Abodehman avait lui-même effectuée.

L’histoire du roman est la vie d’un enfant qui devient un homme dans les montagnes du sud-ouest de l’Arabie saoudite. L’enfant est très marqué par un personnage qui s’appelle Hizam, un vieux monsieur très autoritaire qui tient à ce qu’on respecte les traditions et qui regarde de travers toutes les innovations et tout ce qui vient de l’étranger. Or l’Arabie doit s’ouvrir aux étrangers car avec le pétrole, le pays devient riche trop rapidement et n’a pas le temps de former des professeurs, des médecins, des soignants et des ingénieurs ou des techniciens. Il en a besoin tout de suite, alors on fait appel à des instituteurs égyptiens, des infirmières pakistanaises, des banquiers libanais. Et le vieil Hizam voit ces étrangers qui ne portent pas de barbe avec effroi. Ces visages d’hommes rasés de frais sont pour lui la figure du diable, et leur façon de parler arabe lui paraît monstrueux.

La scène la plus drôle arrive quand Hizam s’aventure dans « la ville », probablement Abha dans la province d’Assir. Il découvre ce qu’est un hôpital, et il est terrifié par ces femmes qui portent des pantalons blancs, qui donnent des instructions dans une langue inconnue , et qui se permettent même de parler aux hommes, voire de les toucher. Pour se moquer de lui, le narrateur s’adresse à Hizam : Cette femme est Pakistanaise, elle est musulmane comme nous, son père porte une barbe plus fournie que la tienne. Elle te trouve très beau, tu sais, et elle nous a demandé si vous pourriez vous marier ensemble. À ces mots, Hizam est scandalisé et effrayé. Il part en courant et sort de l’hôpital pour se perdre dans un terrain vague.

Grâce à mes amis saoudiens, j’ai compris que Hizam signifie ceinture en arabe. Et la ceinture est un accessoire plus important chez les Arabes du Golfe qu’en Europe. Pour nous, la ceinture est un objet sec qui sert à tenir son pantalon. Chez les Arabes, c’est un attribut qui renvoie au port d’un poignard, d’une arme, et du passage à l’âge adulte. Une expression arabe ajoute encore à la sémantique : tu es ma ceinture. Cela signifie, tu es mon copain, je peux compter sur toi. On est des frères.

Le personnage du roman, en définitive, de par son nom qui signifie ceinture, est un personnage symbolique. Il est une figure allégorique qui accompagne le jeune poète du monde de l’enfance vers l’âge adulte.

Majed, Mariam et moi voulions rencontrer Ahmed Abodehman, pour lui dire notre admiration, et éventuellement pour lui proposer de participer à un projet culturel, en Europe ou en Arabie. Nous avons récemment réussi à retrouver sa trace, et il nous a demandé de le contacter à un certain numéro. Trop tard.

Tabuk, centre à venir des voyageurs

Tabuk est une très vieille destination pour les êtres humains qui voyagent, c’est-à-dire pour les êtres humains. Sans remonter jusqu’à l’époque préhistorique, Tabuk était une étape importante pour les voyageurs qui faisaient le pèlerinage à la Mecque. Le château médiéval qui se situe en haut du souq traditionnel de la ville est un magnifique vestige de ces voyages sacrés.

Il était construit pour que les pèlerins se reposent, se lavent, fassent boire les dromadaires, sans interrompre leurs prières. Ce fort est tout petit, preuve qu’il ne devait pas héberger une famille régnante mais concentrer en son sein une administration stricte.

J’imagine que le coût d’une nuitée était exorbitant. La plupart des pèlerins, même les riches, dormaient sous des tentes bien mieux aérées et bien plus confortables, puisque les bêtes transportaient des tonnes de tapis, de coussins et de tentures.

C’est pourquoi je pose l’hypothèse que le fort de Tabuk, dont les espaces de prières sont indiscutables, devait servir plutôt de centre administratif et militaire que d’auberge pour pèlerins assoiffés.

Il n’en reste pas moins que Tabuk est un hommage au voyage et au pèlerinage. D’ailleurs c’est une région de Bédouins. Toutes les familles d’ici sont d’origine bédouine et il suffit de discuter avec les gens du coin pour avoir des histoires d’une enfance qui se déroulait sous la tente. Aujourd’hui, la plupart des Bédouins sont sédentarisés mais Tabuk est une des villes au monde qui incarne le mieux cette culture nomade et désertique.

D’ailleurs la ville chante le voyage par d’autres moyens. Quand vous allez au musée de la ville, vous y rencontrez une autre forme d’itinérance. Le musée est ouvert mais comme il est en cours de renouvellement, il ne présente pas d’expositions. On peut juste le traverser et en admirer l’architecture.

En revanche, sur le site du musée, on aperçoit un hangar d’un autre siècle. Et dans ce hangar, un train à vapeur des années 1900. Fabrication allemande. C’est le vestige d’une des grande gares de la fameuse ligne du Hijaz, qui reliait Damas à Médine, pour faciliter le pèlerinage probablement.

Les années 1900 en Arabie étaient sous le contrôle des Ottomans, donc cette ligne de chemin de fer est un signe du pouvoir turc sur le monde musulman.

Si vous lisez Les Sept Piliers de la Sagesse, vous comprendrez combien les Anglais voyaient ces trains comme des adversaires à combattre. Rappelez-vous que T. E. Lawrence participait à la révolte des Arabes contre la domination turque.

The Hijaz railway was the main artery of the Turkish army in Arabia; to cut it was to paralyse their movement, to bleed them slowly to death.

Donc ce roman historique raconte comment les tribus arabes aidées par quelques militaires anglais, sabotaient les chemins de fer et attaquaient les wagons de voyageurs comme si c’était des armées ennemies.

We were not fighting to win battles, but to destroy materials; not to take cities, but to ruin communications; to make the Turks feed their men in the desert instead of in the towns.

Seven Pillars of Wisdom

Pendant longtemps, ces trains et cette voie ferrée étaient donc un sujet sensible et douloureux en Arabie, car c’était le symbole d’une domination extérieure et plutôt humiliante, car tandis que les Turcs et les riches voyageurs du Levant traversaient le désert en toute sécurité, les Arabes regardaient passer les trains et voyageaient en caravanes comme au Moyen-âge. Nous, ça nous fait rêver, ces longues marches dans le désert avec des chameaux, mais eux ne pouvaient pas juger les trains autrement que comme une modernité hostile, dangereuse, puissante et dominatrice.

De plus, les Anglais le disent ouvertement, les Arabes se sont fait avoir de la pire des façons par les militaires britanniques. Les Sept Piliers le raconte de manière poignante, et les archives sont nombreuses à le certifier : les Anglais se servaient des Arabes pour lutter contre l’Empire Ottoman. Ils promettaient aux Arabes qu’une fois la guerre terminée (celle de 14-18), ils leur permettraient d’avoir un grand royaume arabe régnant sur toute la péninsule.

Mais les Anglais mentaient comme des arracheurs de dents. Ils préparaient en fait leur propre domination sur le proche-Orient et partageaient avec la France les territoires qui reviendraient à la Couronne et ceux qui iraient dans l’escarcelle de la République…

Il a fallu du temps pour digérer toutes ces humiliations et panser les plaies de l’histoire. Aujourd’hui que le pétrole l’a rendue riche, l’Arabie Saoudite est assez confiante pour prendre soin de ce patrimoine historique plutôt que de le vouer aux gémonies.

Tabuk peut se redéfinir comme une capitale du voyage sous toutes formes : nomadisme pastorale, pèlerinage religieux, voyages d’affaire en train, et tourisme contemporain.

Connaissez-vous Tabuk ?

Je vous écris de Tabuk mais je ne suis pas certain de votre connaissance géographique. Moi-même, j’ai découvert cette ville/province du nord-ouest de l’Arabie saoudite très récemment.

Encore une fois, je vais être dans l’obligation de vous cacher la raison véritable qui m’a amené ici. Je le regrette parce que c’est plus intéressant que ce que je pourrais en dire en tant que voyageur lambda.

Pour les besoins de la cause, on va faire comme si j’étais là en bon touriste, le livre de T. E. Lawrence à la main, Les Sept Piliers de la Sagesse, et sans autre mission à accomplir que de m’esbaubir et de m’ahurir devant des paysages mystiques.

Sans autre mandat que de m’abîmer et me résoudre dans l’ensauvagement des wadis et l’épuisement des gravures néolithiques.

Je vous écris de Tabuk et j’ai bien des choses à vous confier.

Je publie un essai sur un musicien juif tandis qu’Israel commet l’irréparable

Je suis heureux d’annoncer la publication de mon article consacré à Léo Sirota dans l’ouvrage collectif L’Asie ou la mort (Éditions Hermann), sous la direction de Gérard Siary et Philippe Wellnitz.

Lire aussi : Fuir les Nazis en Asie

La Précarité du sage, 22 octobre 2021

Ce livre rassemble des recherches sur l’exil de nombreux juifs en Asie, qui, au XXe siècle, ont fui les persécutions en Europe. Mon texte s’intéresse au parcours de ce grand pianiste juif d’origine ukrainienne, contemporain d’Arthur Rubinstein, qui choisit de vivre au Japon. Entre Sirota et le Japon, il y eut une véritable histoire d’amour : celle d’un artiste cosmopolite incarnant la meilleure tradition européenne, et d’un pays en marche vers la modernité.

Lire aussi : Le Pianiste juif et le Japon

La Précarité du sage, 29 août 2021

Au-delà de la musique, le destin de Sirota nous rappelle combien les artistes exilés ont façonné des ponts culturels inattendus. Son parcours, de Kiev à Vienne, Paris, Berlin, Tokyo puis les États-Unis, illustre une culture européenne ouverte sur le monde, généreuse et créatrice, loin des enfermements identitaires et des essentialisations qui sont en train de s’imposer aujourd’hui dans le débat public.

Dans le contexte tragique que nous traversons aujourd’hui – guerres, génocide, persécutions, manipulations idéologiques – il me semblait important de rappeler que les juifs ne sont pas les Israéliens, qu’ils sont porteurs d’une culture flamboyante et qu’ils doivent être protégés de ceux mêmes (les sionistes fanatiques qui ont table ouverte dans nos médias) qui les amalgament au projet mortifère du grand Israël.

C’est maintenant, quand les Israéliens commettent l’irréparable, qu’il faut célébrer les artistes juifs exceptionnels qui, du fond de leur fragilité constitutives, ont su résister par la musique et la pensée.

Je profite de cette publication pour rappeler que les juifs, les Arabes, les Ukrainiens, et tant d’autres, ne sont pas d’abord des étiquettes communautaires, mais des êtres humains porteurs d’une histoire universelle.

Je dédie ce travail à tous ceux qui croient encore à une culture européenne ouverte aux échanges et à la diversité, capable de résister aux discours de haine et de racisme.

Le Pays où l’on n’arrive jamais, d’André Dhôtel, mon premier livre capital

Si Dhôtel est mon écrivain fétiche, c’est parce que son roman pour enfants m’a ouvert, par étapes, les voies de l’émotion littéraire. Et en y repensant, je me rends compte que c’est sans doute le livre qui a le plus compté pour moi dans mes débuts de lecteur.

Et le paradoxe, c’est que je ne l’ai pas lu très jeune.

Je n’étais pas un enfant lecteur. Ni un bon élève, ni un de ces petits singes savants qui écrivent de jolis poèmes que les adultes adorent. Aucun adulte n’a jamais pensé que j’étais brillant ou intéressant. Je vivais une vie d’enfant. Je ne lisais pas. Je ne faisais pas les choses qui intéressent les adultes.

À l’école, je faisais mon travail plus ou moins. C’est ainsi qu’en classe de sixième, quand la professeur de lettres nous a fait lire Le Pays où l’on n’arrive jamais, je me suis exécuté. J’ai vaguement fait les exercices demandés. Je me souviens de la couverture, mais pas d’un plaisir particulier à la lecture. Ni rejet, ni passion. Je me souviens surtout que, dès la première page, il y avait des mots que je ne comprenais pas — comme « beffroi » par exemple. Pour moi, ce n’était pas un livre qui donnait envie.

Et pourtant, il a dû travailler quelque part, en silence, dans les replis de ma mémoire.

Des choses se sont imprimées.

Arrivé à l’adolescence, quand j’ai commencé à me cultiver, à m’intéresser aux arts et aux lettres, je me souviens avoir vu à la télévision un documentaire sur André Dhôtel. À l’époque, il était encore vivant, un vieil homme extrêmement sympathique. Je lui ai trouvé beaucoup de charme, et, surprise, beaucoup de points communs avec moi : nous roulions nos cigarettes, nous vivions dans une campagne pas très belle mais où il faisait bon vagabonder, nous étudiions la philosophie sans en faire un enjeu majeur de notre vie.

Alors je me suis dit : Si cet homme-là est un « grand écrivain », comme le dit la voix de Pierre-André Boutang, il faut que je ressorte mon vieux livre de sixième.

Et vers mes 17 ans, je l’ai relu. Cette fois-ci, l’émotion fut immense. Probablement préparée par une première lecture sans conscience de soi. Après la lecture, pendant une semaine, je ne savais plus distinguer le rêve de la réalité. J’étais dans un état d’enchantement, non pas tant à cause de l’histoire ou des personnages, mais à cause des lieux, des territoires, des paysages.

À tel point que, quelques années plus tard, je suis allé faire les vendanges dans le nord de la France, en Champagne, dans l’espoir de m’approcher des Ardennes. Mais dans les Ardennes, chez Dhôtel, il n’y avait pas de vendanges à faire, pas de travail pour moi.

Ce type de mouvement raté, aller dans l’Aube pour me rapprocher des Ardennes, est assez typique des décisions hasardeuses des personnages de Dhôtel. Se rajoutait à la bizarre association Ardennes/Aube, une attirance réelle pour l’aube, ainsi que la lecture de Gaston Bachelard qui évoque ses promenades dans la campagne champenoise dans L’Eau et les Rêves. Tout se mélangeait dans mon esprit de cancre rêveur.

Vous comprenez peut-être un peu mieux pourquoi je sens que Le Pays où l’on n’arrive jamais fonctionne comme la préhistoire de la sagesse précaire. Existence floue, voyage incompréhensible, déterminisme absolu, décisions aléatoires, passions inextinguibles pour l’échec et l’émerveillement.

Puis, à l’université de philosophie à Lyon, j’ai rencontré mon ami Ben, que les lecteurs de ce blog connaissent bien. Lui aussi avait lu Dhôtel. Cette rencontre fut décisive : je découvrais que mon attachement à cet écrivain n’était pas une rêverie solitaire. Il y avait une communauté invisible de lecteurs, une intersubjectivité, autour de Dhôtel. Avec Ben, en camaraderie, nous avons commencé à lire ses autres livres. Et c’est là que ma passion s’est définitivement affirmée.

Les plantes qui apaisent au Musée Cévenol

Vue du vieux pont du Vigan, depuis le Musée Cévenol. Août 2025

Le musée du Vigan présente une intéressante exposition sur les plantes médicinales, alliant œuvres d’art, manuscrits anciens et artéfacts de tout genre.

Le musée lui-même vaut le détour pour tout ce qu’il recèle de connaissances ethnologiques et historiques. Si vous passez par les Cévennes, ce que tout le monde fait au moins une fois dans sa vie, vous apprécierez vivement une promenade dans cette ancienne maison fraîche en bord de rivière.

Si vous n’appréciez pas le Musée Cévenol, si vous pensez que la visite ne vaut pas le prix du ticket d’entrée, commentez ce billet de blog et je vous rembourserai les cinq euros de la main à la main, en vous regardant droit dans les yeux pour vous faire honte.

J’ai particulièrement aimé les manuscrits de récits de voyage, effectués par des médecins des Lumières. En pleine Révolution, ils herborisent comme Jean-Jacques et affirment que Le Vigan, l’été, « est un séjour délicieux », notamment grâce à son air pur, son eau salubre, ses châtaigniers, ses pommiers et ses poissons.

La Ceinture, d’Ahmed Abodehman. Un grand roman saoudien sur l’enfance dans un village de montagne

C’est un livre écrit en français par un poète saoudien qui a grandi dans un de ces villages que j’ai visités ou traversés dans mon périple de 2025. Publié en l’an 2000 chez Gallimard, La Ceinture est un bref récit drôle et puissant dont le personnage principal, outre le narrateur, est un vieil homme intransigeant et bienveillant. Le vieux Hizam se croit détenteur et gardien des traditions mais pour lui, les traditions consistent à travailler ses champs sans jamais se plaindre, endurer les peines et ne prendre aucun plaisir. Le narrateur l’aime car Hizam est un homme bon, mais d’une bonté qui s’exprime à coups de bâton.

Avec tendresse et sans reproche, Ahmed Abodehman raconte la modernisation du village et la perte de repères des anciennes tribus qui ne comprennent rien au monde qui vient. Une école apparaît dans le village et les instituteurs mutés dans la région montagneuse sont de véritables extraterrestres pour les villageois : non barbus, portant des pantalons et des chemises, ils parlent un arabe bizarre car ils viennent d’Egypte, de Jordanie ou de Syrie.

La pire des évolutions se voit à l’hôpital qui a ouvert dans la « grande » ville, ville que l’on atteint difficilement : on y voit des femmes en pantalon, ce qui ne s’est jamais vu depuis le commencement du monde. Les vieux interprètent cela comme un signe de l’apocalypse. D’ailleurs quand on a voulu s’amuser avec Hizam, on lui a dit que l’une de ces infirmières en pantalon était amoureuse de lui. Entendant cela, il s’est révolté et a déclaré que jamais il ne se marierait avec une chrétienne. « Ce n’est pas une chrétienne ! C’est une pakistanaise. Dans son pays, le Pakistan, les gens sont musulmans comme toi et les hommes ont des barbes plus longues et plus fleuries que la tienne. »

Au village, il n’y a ni toilettes ni poubelles, car on ne jette rien à part la cendre, et l’odeur y est donc toujours très bonne, à la différence de ces appartements citadins dont l’hygiène laisse à désirer à cause de toutes ces inventions diaboliques que sont les chaussures, les poubelles, les douches et les toilettes. Au village, on sait se pommader la peau et les cheveux avec du beurre, et on connaît les secrets des djinns.

Je regrette seulement l’absence de toute description physique, topographique et architecturale. La Ceinture est très poétique, mais les poètes ne devraient jamais oublier la géographie, ni les techniques.

26 juin 2025 — Vingt ans de blog

Le sage précaire en promenade au bord d’un lac de Bavière. Photo Hajer Nahdi, 2025.

Aujourd’hui est une date un peu spéciale pour moi. Il y a exactement vingt ans, jour pour jour, je publiais mon tout premier billet de blog. C’était le 26 juin 2005, sur un blog qui n’est plus trop actif, que j’avais intitulé Nankin en douce. Comme son nom l’indique, j’habitais alors à Nankin, en Chine, depuis un an. Et ce jour-là, je devenais blogueur.

Cela faisait déjà quelques années que je lisais des blogs, que je m’intéressais à cette forme d’écriture et de publication. Et ce 26 juin, je me suis lancé. Un an plus tard, j’ai quitté Nankin pour Shanghai, et le blog ne pouvant changer de titre, j’ai monté un deuxième blog : Chines avec un S, une tentative un peu plus vaste, d’englober un pays dans ses contradictions et ses diversités. Puis, à l’annonce d’un départ proche de Chine, j’ai senti le besoin d’ouvrir un espace qui ne soit plus ancré dans un territoire en particulier. C’est alors que j’ai fondé ce troisième blog, en reprenant le titre d’un billet ancien : La précarité du sage. Un titre auquel je tiens toujours.

Ce blog, né aussi quelque part entre 2005 et 2007, est devenu un fil conducteur de ma vie d’écriture. Une colonne vertébrale. Je ne saurais dire combien de billets j’ai écrits depuis vingt ans — je ferai le compte un jour — mais je sais qu’écrire ici m’a permis d’écrire, tout simplement. Beaucoup, régulièrement, avec joie.

Je voudrais dire à tous ceux qui hésitent à écrire, ou qui rêvent de se lancer : le blog ne m’a jamais empêché d’écrire ailleurs. Il ne m’a pas freiné dans mes publications papier. Il ne m’a pas fermé de portes. Je ne crois pas qu’un éditeur ait jamais refusé un manuscrit en raison d’un blog. D’ailleurs, je doute qu’ils aillent jusque-là. Je crois que les éditeurs, comme tout le monde, font ce qu’ils peuvent, et que l’édition reste un monde saturé.

Ce qui est certain, c’est que le fait d’écrire ici presque tous les jours pendant vingt ans ne m’a pas empêché d’écrire des textes longs et exigeants. Il ne m’a pas empêché de soutenir une thèse de doctorat, ni de publier cinq livres à ce jour.

Le blog est une activité intéressante. C’est un espace pour faire ses gammes, pour aiguiser sa langue, pour entretenir son regard, pour mettre à jour son esprit. Il m’a accompagné dans mes cheminements intellectuels, mes voyages, mes doutes, mes enthousiasmes. Il m’a offert une opportunité rare d’échanger avec des lecteurs.

Aujourd’hui, je relis mes premiers billets avec une tendresse amusée. Le tout premier s’intitulait La Lune. J’y racontais nos ascensions nocturnes sur la montagne pour observer la lune avec des amis chinois, jeunes, brillants, pleins de charme et d’intelligence. C’était un moment de grâce, et j’en garde encore l’émotion.

Je vous cite le dernier paragraphe de ce premier article, vieux de vingt ans, qui raconte une scène vieille de huit mois. Je mets en ligne en juin une histoire qui eut lieu en septembre.

Nous étions quelques-uns uns sans famille, à Nankin, alors nous allâmes, Français, Belges et Chinois, à la Montagne Pourpre et Or pour manger et boire, et pour regarder la lune. Au sommet, nous escaladâmes des rochers et nous contemplâmes. Luluc et Mimic chantèrent La fameuse chanson : Yue Liang dai biao wo de xin. Elle dit à peu près cela : “Tu veux savoir combien je t’aime et la profondeur de mon amour ? Regarde la lune, elle représente à mon cœur.” Chez nous, cela voudrait dire que mon cœur est plein de tristesse, de froideur ou de douceur maladive. Ici, je ne sais pas vraiment ce que cela veut dire.

Nankin en douce, 2005

Je n’ai pas beaucoup changé en vingt ans. Il faut dire que j’étais déjà un vieil adolescent de 33 ans, je n’allais pas vraiment me métamorphoser à partir de cet âge-là.

Je ne voudrais pas fêter cet anniversaire de blogging sans adresser un immense merci aux lecteurs, et surtout aux commentateurs. Sans eux, je ne sais pas si j’aurais continué.

Aujourd’hui, les blogs ne sont plus à la mode. Les commentaires se font rares. Les réseaux sociaux ont pris le relais, avec leurs formats rapides, leurs vidéos, leurs algorithmes. Cette évolution me donne l’impression de jouer un vieil instrument de musique acoustique comme l’orgue portatif qu’on voyait dans les églises de villages. Ou encore le cymbalum. Avec cet instrument, on n’a pas accès aux médias, on ne fait jamais de tubes, mais on peut animer des soirées et faire la manche dans la rue.

La fragilité d’un art : retour sur « Monique s’évade »

Après avoir été très enthousiaste pour le premier livre d’Édouard Louis, Pour en finir avec Eddy Bellegueule, publié en 2014, je lis avec plaisir mais un soupçon de déception le bon livre de 2024, Monique s’évade.

Ce texte raconte, toujours avec la même méthode puisée chez Annie Ernaux, l’évasion, en effet, de la maman du narrateur, qui avait déjà réussi à quitter son mari et qui vivait avec un nouvel homme qui la maltraitait.

Édouard Louis met en scène une coopération, une alliance entre mère et fils pour organiser la fuite, et même une relation tripartite mère-fille et fils, puisque la sœur apparaît dans le protocole. Ils inventent de nouvelles relations qui ne soient plus simplement filiales et familiales. Ils tâchent, tous les trois, de créer une forme d’amitié d’adultes, comme je le fais moi-même avec ma propre mère

Les Plaisirs de ma mère

La Précarité du sage, 2014

Le texte de Louis est très intéressant mais littérairement, c’est, franchement, un ton en dessous que celui qu’il a publié en 2014. Il faut le dire, mais il ne s’agit pas de critiquer de manière brutale et légère. C’est difficile, l’art de narrer. On voit dans ce livre combien c’est délicat, la littérature. C’est délicat parce que c’est de l’art.

Il y a de nombreuses pages moins puissantes, non pas que Louis manque d’inspiration (il est inspiré, il a du talent), mais son phrasé touche moins au but. Peut-être parce que cela correspond déjà à une recette élaborée par quelqu’un d’autre. Louis accumule les formules qui sont censées frapper au cœur du sujet mais qui se révèlent poussives :

Et je pensais : Arrête de réfléchir ! Il faut agir d’abord, réfléchir après.

Sans ça il n’y aurait jamais d’évasion.

Nulle part.

p. 68.

Par endroits l’auteur essaie plusieurs formules, il s’y reprend à plusieurs reprises, insatisfait et pourtant incapable de tout effacer pour recommencer et trouver le paragraphe qui sonne juste. Je cite trois phrases apparaissant telles quelles dans le livre, dans cet ordre et cette succession :

Je n’avais jamais vu mon père accomplir la moindre de ces tâches en quinze ans.

Elle n’avait jamais fait quoi que ce soit pour elle-même.

Sa vie avait été, jusqu’à maintenant, une vie pour les autres.

p. 34-35.

Cela est bien vrai et peut mériter d’être dit, mais on pourrait continuer ainsi sur des pages car cela demeure malgré tout une sorte de cliché.

J’avais dit, dans mon billet consacré à son premier livre, que le travail génial était celui d’Annie Ernaux parce qu’elle inventait un genre. Personne n’avait vraiment écrit de cette manière-là sur son père, sa famille, et sur la distance qui apparaît avec sa famille quand on grandit, quand on fait des études.

Personne n’avait vraiment dit, de manière très plate et sensible, de manière factuelle et artistique, la rupture dans le langage même, dans les codes, la manière dont les codes et la façon de parler s’inscrivent dans le social. Donc elle, Annie Ernaux, tâtonnait, elle cherchait son style, elle cherchait sa voix.

Édouard Louis, au contraire, partait avec cette capacité d’analyse, mais surtout il avait acquis chez Annie Ernaux le genre littéraire qui était le sien.

Et là, il y a beaucoup de phrases qui sont un peu banales, qui n’ont pas la dimension de surprise, de révélation, que l’on trouve dans les livres réussis.

Et dans ce type de littérature-là, la littérature à la fois factuelle, sociale et personnelle, on s’en rend bien compte aussi quand on lit Didier Eribon lui-même, qui apparaît dans Monique s’évade comme l’ami du narrateur qui peut assister la maman en fuite. Ce type d’écriture peut vite s’avérer banale car elle s’ingénie à parler de choses quotidiennes, apparaissant comme naturelles aux protagonistes. Elle réclame donc beaucoup de travail pour distinguer les notations de micro-événements significatifs et les remarques sans intérêt.

C’est quand même un livre réussi : je vais vous donner un exemple de moments où Monique S’évade, le livre, a quelque chose de fort, d’original, de singulier.

Pendant ces quelques jours de fuite et de préparation de sa Nouvelle Vie, ma mère réclamait une prise en charge totale. Elle estimait qu’elle avait droit au repos et à l’assistance radicale après ce qu’elle venait de vivre, et j’étais d’accord, je le faisais volontiers – Didier l’avait fait pour moi des années plus tôt

p. 42.

Cette volonté d’être entièrement prise en charge est intéressante car elle arrive de manière un peu contre-intuitive. On aime bien donner l’image inverse dans les récits de transfuge de classe : donner l’impression qu’on s’est battu, qu’on a inversé les forces du destin, les forces de l’habitude.

C’est intéressant qu’à l’intérieur de ces récits de lutte, de survie, il y ait ces moments-là où l’on dit qu’on voudrait être entièrement passif.

J’ai beaucoup aimé les détails pratiques concernant le déménagement de sa mère. Le narrateur révèle à la fois la gentillesse du fils qui veut aider et son inaptitude aux tâches simples de la vie populaire : il achète des cartons à distance (je n’ai jamais acheté un carton de ma vie car je sais où me les procurer gratuitement), il se demande combien il en faut, dix ? Vingt ? Ce mec n’a vraiment aucune idée, ça m’a fait sourire, comme son questionnement sur les rouleaux de scotch, et sa dernière question m’a carrément fait rire :

Est-ce qu’il fallait des gants pour se protéger des coupures du carton ?

p. 77.

Alors oui, Édouard, on peut porter des gants, mais pour être franc, si on travaille avec soin, on devrait pouvoir se sortir d’un petit déménagement sans coupures ni blessures.