
Je recommande d’aller voir Transformers II pour les dix premières minutes, qui sont une ouverture ébouriffante. Un spectacle extraordinaire, qui vous cloue sur votre fauteuil, incrédule, devant ces corps et ces machines qui se transforment, se transfigurent, se métamorphosent dans un ballet invraisemblable qui croise les mouvements de caméra les plus complexes et les plus irréels qui soient imaginables.
Le reste de film a dû être réalisé par quelqu’un d’autre, d’autres équipes. Je pense que le producteur a voulu une équipe spéciale, un budget séparé et une technologie à part pour les quelques minutes d’ouverture. Il a voulu marquer l’histoire des arts visuels, nul doute à cela. En regardant ces danses de machines et d’humains, je me suis dit que le cinéma avait atteint là une sorte d’apogée. Jamais on ne pourra faire mieux, sur le plan des effets spéciaux et de la virtuosité. Pour faire plus fort, il faut sortir du bi-dimensionnel et créer du volume.
Il y a, dans l’histoire de l’art, des réalisations qui parachèvent un style ou une technique. Aucune sculpture ne sera jamais mieux faite que celles du Bernin, aucun tableau ne sera plus parfait que certains Ver Meer. Personne ne dépassera Bach dans l’art de la fugue. Après lui le déluge, les musiciens se concentrent sur d’autres choses à faire.

La comparaison avec Bach n’est pas fortuite. Quand il compose, il est déjà vieux-jeu, et tout le monde se fiche du baroque. On a de nouveaux instruments, de nouvelles salles, de nouveaux sons et de nouvelles pratiques d’écriture. Le baroque est déjà mort, par rapport aux modes et aux technologies, et c’est précisément à ce moment-là que le baroque va connaître ses compositions les plus belles et les plus puissantes, pour devenir immortelles.
De la même manière, le cinéma est déjà presque mort, il est dépassé de toutes parts, par l’internet, par la renaissance de la télévision, par les jeux vidéo, et c’est là que, en détournant l’esthétique desdits jeux vidéo, le réalisateur de Transformers a fait dix minutes de cinéma abstrait magnifique, sans intrigue, sans récit, sans début ni fin : des images mouvement pures, mais des images mouvement machiniques, dans la machine, par la machine et pour la machine.
Transformers, c’est un chant à la transformation des corps et à la prothèse. Pas étonnant que cela plaise aux adolescents, qui non seulement sont en pleine croissance, mais portent de la ferraille au bout du nez, sur les dents, dans la bouche, marchent avec des béquilles, restent fascinés par des voitures et des motos, se collent des téléphones aux oreilles, manipulent des Ipod, ont les poches pleines de machines bruyantes et flashantes.
A cet égard, il s’agit de l’accomplissement des grandes expérimentations du début du XXe siècle, créations futuristes, odes à la machine, au piston, à la thermodynamique.
Après, le film développe une histoire que personne, à mon avis, ne peut même comprendre. Il y a des bons et des méchants, parmi les machines, mais à part ça, je ne sais même pas pourquoi on se bat, ni qui gagne à la fin. Si, c’est l’amour qui gagne à la fin, car le héros, qui a toujours refusé de dire « I love you » à sa sublime girlfriend, le dit quand il revient à la vie. Mais il le dit de manière mécanique, je n’y ai pas cru un seul instant. Et surtout, j’ai trouvé insupportable la présence de ses parents, toujours là quand il enlace la jeune fille. La jeune fille, elle, est complètement indépendante de ses parents, ce qui me fait penser, entre autres raisons, que c’est là un film pour jeunes garçons pubères, très branchés ordinateurs et mécanique.
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