Le média décolonial Parole d’Honneur (PDH) a invité Rima Hassan, député européenne pour un entretien de plus de deux heures qui a tourné autour de son engagement militant et politique.
C’est une réunion assez émouvante où les activistes français d’origine africaine profitent de la présence de Rima Hassan pour lui témoigner de la reconnaissance et de l’affection. Ils ont vécu comme une divine surprise l’émergence de cette figure politique qui défendait les Palestiniens sans jamais s’excuser et surtout en faisant face, avec le sourire, à l’extrême hostilité des journalistes qui n’avaient de cesse de la provoquer.
Dans cette émission de PDH, Rima se comportait comme une jeune femme de son temps, sans chercher à jouer un rôle.
À la fin de l’émission, elle a sorti une boîte dans laquelle se trouvaient des objets qu’elle avait ramassés dans les prisons où elle a séjourné en Israël, lors de l’arrestation de la Flotille de la Liberté.
Ces quelques objets, abandonnés par d’anciens prisonniers palestiniens, sont pour la plupart des mots d’amour et de dévotion. Un chapelet constitué de noyaux d’olives, des élastiques de pantalons recouverts de noms et de paroles, et des médailles faites en mie de pain durcie, frappées des noms de celles et ceux qui peuplaient l’imaginaire des prisonniers.
Ces petits trésors intimes, Rima Hassan va les donner à une galerie de Lausanne pour en faire une exposition. Quand j’ai vu cela, mon cœur de muséographe s’est serré. Je me suis senti spontanément, personnellement, concerné par cette idée de musée : une galerie faite d’une collection infâme d’objets adorés par des hommes maudits, des femmes rejetées. Je vois d’ici le musée que l’on pourrait créer : la dévotion des prisonniers.
En attendant c’est une simple exposition. Très belle idée d’exposition qui, je l’espère, sera itinérante pour que je puisse la visiter quand elle se trouvera dans une de mes villes de passage.
Rima a passé du temps dans une prison israélienne pour nulle raison spécifique. L’injustice dont elle a été victime, elle ne s’en drape pas pour émouvoir le chaland ; elle préfère informer, se battre et rigoler. Dans la même période, l’ancien président Nicolas Sarkozy a publié un livre auto-complaisant sur ses jours passés à la prison de la Santé. Lui est coupable de corruption et de collusion avec un terroriste et un dictateur libyen. À chacun ses héros.
Du pur point de vue artistique, la Sagesse précaire choisit Rima Hassan.
Un musée maritime vient d’ouvrir en Arabie saoudite. Le Red Sea Museum est consacré à l’histoire longue et foisonnante de cette mer qui se termine par le canal de Suez.
Quand vous pensez Arabie Saoudite, dorénavant, il convient d’ajouter la mer à vos images de désert. Et quand vous pensez Mer Rouge, vous pourrez ajouter ce musée à vos souvenirs de lecture d’Henri de Monfreid et de Romain Gary.
Le choix de Jeddah s’impose comme une évidence. Ville portuaire depuis des siècles, porte d’entrée des pèlerins venus de l’ensemble du monde musulman vers La Mecque, Jeddah a toujours été la cité d’Arabie la plus ouverte sur le monde. C’est dans sa vieille ville, Al-Balad, au cœur d’un bâtiment historique du XIXᵉ siècle, la maison Al-Bunt, que le visiteur est invité à explorer ce territoire fascinant. Dès les premières salles, cartes anciennes, objets maritimes, archives, œuvres d’art contemporain et documents scientifiques s’entremêlent pour raconter une histoire sans frontières nettes : celle des routes, des échanges, des paysages sous-marins, des croyances, des pèlerinages, des mythologies et des cauchemars.
Le Red Sea Museum tient à la fois du musée d’art, du musée d’histoire naturelle, de l’institution ethnographique et du centre de géographie historique, sans jamais donner le sentiment d’une accumulation confuse. Cette maîtrise se ressent dans l’organisation spatiale :
le rez-de-chaussée s’ouvre comme un vaste hall, évoquant à la fois une gare maritime et un marché au poisson, mais des poissons de luxe, pas des harengs et des sardines. Le rez-de-chaussée est lieu de flux et de rencontres.
Le premier étage, à l’inverse, est composé d’une succession de chambres presque domestiques, comme dans un hôtel de province. Un hôtel de voyageurs et de représentants de commerce. Cet étage invite à une déambulation plus intime.
Enfin, le troisième étage s’ouvre sur un café sur le toit, que j’interprète comme la cabine d’un bateau : quand on sort sur le pont, on peut voir à bâbord le port et la mer ; à tribord la grande place et la belle mosquée Al-Rahman.
Le sage précaire sur le toit-terrasse du RSM, Jadidah, décembre 2025
L’ensemble se visite sans fatigue car l’équilibre est atteint entre objets naturels, archives, création contemporaine et contenu audio-visuel.
Une équipe au sommet de la muséologie contemporaine
Cette cohérence tient beaucoup à la qualité de l’équipe qui a porté le projet. Le commissariat général a été supervisé par Mona Khazindar, figure majeure de la scène muséale saoudienne, forte de plus de vingt ans d’expérience dans les musées de Paris et du Proche-Orient, aujourd’hui conseillère auprès du ministre saoudien de la Culture. La rénovation du bâtiment a été confiée à François Chatillon, référence incontournable dans le domaine des monuments historiques. Quant à la scénographie, elle est signée par l’agence Nathalie Crinière, garantissant une grande diversité d’ambiances et une attention constante portée à l’expérience sensorielle du visiteur.
Entre science, foi et navigation
L’entrée du musée Dans une nef centrale, une grande table animée retrace les millions d’années de l’histoire géologique de la Mer Rouge. Au fond, une ancre monumentale du XVIIᵉ siècle, récemment remontée des fonds marins, agit comme un point d’ancrage symbolique. Entre ces deux pôles, une vitrine rassemble des objets rares et profondément émouvants : boussoles indiquant la direction de La Mecque, conçues comme de petites boîtes finement décorées ; miniatures colorées où la Kaaba côtoie la mer, les montagnes et les mosquées. Ces objets, à la fois naïfs et sacrés, résument l’essence même de la civilisation de la Mer Rouge : populaire, voyageuse, pieuse et mercantile.
Oriental Blue, d’Anish Kapoor
L’art contemporain irrigue l’ensemble du parcours, avec une attention particulière portée à plusieurs générations d’artistes saoudiens aujourd’hui reconnus à l’international. Leurs œuvres, disséminées dans le musée, dialoguent entre elles et avec les collections historiques.
Dès le rez-de-chaussée, l’installation We Are Coral de Manal AlDowayan capte le regard. Des fils suspendus au plafond, chargés de pièces de verre, composent un récif corallien vu par en dessous. La beauté de la lumière et de la transparence entre en tension avec la conscience aiguë de la fragilité de cet écosystème, plaçant le visiteur dans un état esthétique volontairement inconfortable. En écho, les peintures de Shadia Alem présentent une série de sirènes issues d’un livre d’artiste manuscrit en arabe, figures mythiques surgissant d’un imaginaire maritime et enfantin.
Les sirènes de Shadia AlemLe livre d’artiste de Shadia Alem
Au premier étage, plusieurs salles sont consacrées à La Mecque et au pèlerinage. C’est là que l’on découvre Magnetism d’Ahmed Mater : une œuvre devenue emblématique, où la Kaaba est figurée comme un aimant autour duquel des épingles métalliques se courbent en un mouvement circulaire. Une méditation visuelle puissante sur la dévotion, l’attraction spirituelle et la dynamique collective du rite.
People in Context, de Faisal Samra
Plus loin, une chambre entière est dédiée à Faisal Samra et à son projet People in Context, qui recouvre murs et écrans de photographies et de vidéos documentant les métiers traditionnels de Jeddah. Parmi eux, un artisan du bois explique la fabrication des moucharabiehs caractéristiques du quartier ancien Al Balad : Ahmed Angawi. Ce n’est qu’à la fin de la visite que l’on découvre qu’Angawi est également artiste.
Au troisième étage, il signe l’encadrement du café : une composition de modules de bois imbriqués qui, à y regarder de près, dessine des vagues et des silhouettes de poissons emportés par le mouvement.
Du récif suspendu de Manal AlDowayan aux vagues de bois d’Angawi, le musée propose ainsi une méditation plurielle sur la mer, portée par des artistes issus d’un pays que l’on associe rarement à l’univers maritime.
Un dialogue international
L’art international n’est pas en reste. Oriental Blue d’Anish Kapoor résonne dans une salle entièrement baignée de bleu au premier étage.
Robert Polidori, Photographies digitales imprimées sur toile, 2019.
Le Marocain Mohssin Harraki présente une série de gouaches rendant hommage au grand géographe médiéval Al-Idrissi. Le photomontage de l’artiste malgache Maala Andrialavidrazana, d’une puissance visuelle remarquable, a d’ailleurs été choisi par le ministère de la Culture pour illustrer la couverture du catalogue du musée.
Un musée francophile… pour le moment
Un dernier point retiendra particulièrement l’attention des visiteurs francophones. La présence insistante d’artistes, de photographes et d’écrivains de langue française traverse l’ensemble du parcours, du XVIIᵉ siècle à aujourd’hui. À tel point que l’on pourrait imaginer, à partir de ces seules œuvres, un musée parallèle intitulé La Mer Rouge vue par des yeux francophones. Cette prégnance, sans doute appelée à évoluer, témoigne néanmoins de la profondeur historique des échanges culturels autour de la Mer Rouge.
Texte de C. Farrère, peinture de C. D. Fouqueray, 1921Anonyme français Escales d’Asie, de Claude Farrère, illustrations de Charles Dominique Fouqueray
Ne m’accusez pas d’être nationaliste, pour l’amour de Dieu, mais j’ai trouvé émouvant de voir tant d’œuvres et de témoignages venus de France. En toute hypothèse, on peut présumer que cette francophilie inattendue est directement liée aux équipes muséolographiques, et notamment les commissaires. Le jeune médiateur qui me fit visiter le musée ne semblait pas très heureux de ce qu’il voyait comme une hégémonie culturelle.
Portraits d’Egypte, de Denis Dailleux
Si le sentiment de ce jeune homme perdure et s’il est partagé, alors c’est le moment pour vous lecteurs francophones de vous rendre à Jeddah avant que les accrochages ne changent et ne toilettent toute cette collection française au profit de choses plus délibérément saoudiennes.
Ce décor de cinéma, c’est un coin de Jeddah, la grande ville portuaire d’Arabie Saoudite. On l’atteint en flânant dans les ruelles de la vieille ville.
C’est le studio d’un artiste jeune mais déjà renommé qui est originaire de Jeddah et qui est spécialisé dans le travail du bois. Inspiré par les espèces de Moucharabiés de sa ville natale, il les réalise et il s’en écarte pour proposer des choses plus personnelles.
Si vous regarder bien cette porte, vous verrez une sorte d’oiseau car l’artiste joue sur la géométrie des modules de bois pour faire varier les formes.
Photo de Thierry Mauger sur la couverture de La Ceinture
Un grand poète arabe et francophone vient de s’éteindre, qu’il repose en paix.
Je venais de lire pour la deuxième fois son fameux roman La Ceinture, écrit en français et publié chez Gallimard en 2000. J’aimais tellement ce livre que j’ai formé un petit groupe de lecture avec deux amis Saoudiens. Le but de notre club était initialement de comparer les versions de LaCeinture. Majed l’avait lu en arabe il y a vingt ans et le relisait pour le bien de nos réunions. Mariam, qui avoue être plus à l’aise en anglais qu’en arabe, avait acheté une version anglaise du roman en question, The Belt.
J’avais initié ce petit groupe car je trouvais la prose de ce poète saoudien très osée. Sur des questions tabous, concernant le sexe, les rapports filiaux, les sentiments contrariés à l’intérieur des familles, il se permettait des phrases et des scènes que j’imaginais impossibles à écrire dans sa langue maternelle. Il avait peut-être choisi le français pour se cacher de sa propre famille, tout en s’offrant le prestige d’une langue reconnue dans le monde culturel.
J’étais curieux de savoir ce qu’il en était dans la traduction arabe qu’Ahmed Abodehman avait lui-même effectuée.
L’histoire du roman est la vie d’un enfant qui devient un homme dans les montagnes du sud-ouest de l’Arabie saoudite. L’enfant est très marqué par un personnage qui s’appelle Hizam, un vieux monsieur très autoritaire qui tient à ce qu’on respecte les traditions et qui regarde de travers toutes les innovations et tout ce qui vient de l’étranger. Or l’Arabie doit s’ouvrir aux étrangers car avec le pétrole, le pays devient riche trop rapidement et n’a pas le temps de former des professeurs, des médecins, des soignants et des ingénieurs ou des techniciens. Il en a besoin tout de suite, alors on fait appel à des instituteurs égyptiens, des infirmières pakistanaises, des banquiers libanais. Et le vieil Hizam voit ces étrangers qui ne portent pas de barbe avec effroi. Ces visages d’hommes rasés de frais sont pour lui la figure du diable, et leur façon de parler arabe lui paraît monstrueux.
La scène la plus drôle arrive quand Hizam s’aventure dans « la ville », probablement Abha dans la province d’Assir. Il découvre ce qu’est un hôpital, et il est terrifié par ces femmes qui portent des pantalons blancs, qui donnent des instructions dans une langue inconnue , et qui se permettent même de parler aux hommes, voire de les toucher. Pour se moquer de lui, le narrateur s’adresse à Hizam : Cette femme est Pakistanaise, elle est musulmane comme nous, son père porte une barbe plus fournie que la tienne. Elle te trouve très beau, tu sais, et elle nous a demandé si vous pourriez vous marier ensemble. À ces mots, Hizam est scandalisé et effrayé. Il part en courant et sort de l’hôpital pour se perdre dans un terrain vague.
Grâce à mes amis saoudiens, j’ai compris que Hizam signifie ceinture en arabe. Et la ceinture est un accessoire plus important chez les Arabes du Golfe qu’en Europe. Pour nous, la ceinture est un objet sec qui sert à tenir son pantalon. Chez les Arabes, c’est un attribut qui renvoie au port d’un poignard, d’une arme, et du passage à l’âge adulte. Une expression arabe ajoute encore à la sémantique : tu es ma ceinture. Cela signifie, tu es mon copain, je peux compter sur toi. On est des frères.
Le personnage du roman, en définitive, de par son nom qui signifie ceinture, est un personnage symbolique. Il est une figure allégorique qui accompagne le jeune poète du monde de l’enfance vers l’âge adulte.
Majed, Mariam et moi voulions rencontrer Ahmed Abodehman, pour lui dire notre admiration, et éventuellement pour lui proposer de participer à un projet culturel, en Europe ou en Arabie. Nous avons récemment réussi à retrouver sa trace, et il nous a demandé de le contacter à un certain numéro. Trop tard.
Je vous remercie encore pour nos échanges récents. Ils témoignent d’une ambition réelle pour le développement international de votre entreprise, et je suis convaincu qu’un positionnement précis peut vous permettre de saisir des opportunités importantes dans la région du Golfe.
Si je me permets d’être direct tout en restant pleinement respectueux de votre démarche, c’est parce que les attentes dans cette région sont élevées et nécessitent une préparation stratégique solide. Les institutions et entreprises de la péninsule arabique, avec lesquelles je travaille quotidiennement, apprécient chez les Français des partenaires capables d’incarner une certaine stature européenne : excellence culturelle, rigueur intellectuelle et savoir-faire reconnu dans les domaines de la communication, des arts et du patrimoine. Cette dimension constitue un atout naturel pour une agence hexagonale.
Cependant, pour que cette promesse française soit crédible et compétitive, deux éléments sont aujourd’hui incontournables. Le premier va de soi mais le second pourrait paraître à tort polémique :
1. Une véritable capacité de travail en anglais, et non une simple externalisation
Le recours systématique à la traduction affaiblit souvent la fluidité des échanges et peut être perçu comme un manque de maîtrise de la relation internationale. Les acteurs des monarchies pétrolières attendent un niveau d’anglais professionnel permettant d’interagir directement, rapidement, et sans intermédiaires.
2. Une présence affirmée d’auteurs et de spécialistes arabophones
Cela ne relève pas uniquement d’une question linguistique. C’est une question de positionnement culturel que je voudrais discuter avec vous en tant que nous sommes vous et moi citoyens français :
Notre pays entretient depuis plus d’un millénaire un lien profond, complexe et continu avec les cultures arabes et musulmanes – de l’époque médiévale aux échanges intellectuels, en passant par la Méditerranée moderne et les dynamiques contemporaines. Cette réalité fait partie intégrante de notre identité culturelle et constitue une force unique, qui est malheureusement sous-exploitée.
Mon propos n’est pas de prétendre que la maîtrise de l’arabe est requise pour être réellement audible et légitime dans le Golfe. Je sais bien que les Saoudiens et les Qatariens ne s’attendent pas à voir une jolie Parisienne échanger des salamalecs avec eux lors d’une négociation. En revanche, si vos contenus étaient portés par des auteurs capables d’écrire directement en arabe, de comprendre les nuances culturelles et de s’inscrire dans cette longue histoire de relations franco-arabes, votre agence aurait plusieurs longueurs d’avance sur la concurrence et contribuerait à donner une meilleure image de la France. Pas seulement celle du luxe, de la mode et du XIXe siècle, mais celle d’un pays millénaire qui prend la culture au sérieux.
Présenter une équipe sans compétences rédactionnelles en anglais et en arabe peut donner l’impression que la France n’assume pas ce patrimoine historique. À l’inverse, intégrer des auteurs français arabophones et anglophones enverrait un signal fort : celui d’une agence française pleinement consciente de ses richesses, ouverte sur le monde arabe, et capable de dialoguer avec lui en profondeur.
Je suis persuadé qu’en renforçant ces deux axes, votre entreprise pourra non seulement répondre aux attentes du marché du Golfe, mais aussi s’y distinguer par une approche fondée sur l’héritage culturel français, qui est intimement lié, de longue date, à la culture arabe.
Ce n’est donc pas une question d’ajouter un service de traduction, mais de porter une vision authentique et ambitieuse de ce que peut être une agence française dans un contexte international plein d’opportunités mais connaissant une concurrence très forte venue de pays européens très solides culturellement et capables de proposer des prix plus compétitifs.
Imaginez une seconde des agences espagnoles concurrentes à la vôtre et domiciliées en Andalousie. J’en connais. Pour gagner un marché, elles vont rappeler la grandeur des siècles arabo-andalous, ce qui sera bien vu puisque « Al Andalous » est toujours perçu comme un âge d’or de la culture islamique. Imaginez que ces agences se présentent avec, à la fois, le savoir-faire européen, la technologie occidentale, la réputation sympathique des Espagnols et une arabité assumée, confiante en elle-même ! Elles obtiendraient tous les contrats.
Heureusement, les Espagnols ne sont pas en avance sur l’enseignement de l’arabe. La France a ici un atout qu’il ne faut pas négliger. Votre agence a dans sa ville de nombreux talents capables de vous aider à incarner une France enfin réconciliée avec sa dimension arabe tout en étant anglophone comme tout le monde.
Je reste naturellement à votre disposition pour approfondir ces points et envisager ensemble des pistes de structuration adaptées.
Dans un contexte où les industries culturelles françaises cherchent à renforcer leur présence dans les pays du Golfe persique et, plus largement, dans l’ensemble des mondes arabe et musulman, une exigence fondamentale s’impose : la capacité à produire et communiquer directement en langue arabe.
Je trouve incroyable que des entreprises reconnues pour leur excellence, leur créativité et leur expertise internationale puissent encore déclarer ne pas disposer de compétences arabophones en interne. Je peux le comprendre pour nos voisins, mais pour la France, je déclare que c’est une anomalie.
Il est possible qu’une telle lacune fragilise la crédibilité des acteurs français auprès de partenaires des monarchies pétrolières, mais le problème est ailleurs. Je ne veux pas limiter mon propos à la banalité selon laquelle les pays arabes accordent une importance considérable à la maîtrise de leur langue et à la compréhension fine de leurs contextes culturels.
Mon propos est d’abord dirigé vers la culture française elle-même. C’est pourquoi je m’adresse ici à vous, acteurs français de la culture, des arts et des lettres : affirmez-vous comme français avec tout ce que cela implique de luxe, de raffinement, de musées et de philosophie, mais aussi en soulignant l’arabité de la France.
Un rappel nécessaire : la France entretient un lien ancien et profond avec le monde arabo-musulman
L’histoire française est marquée depuis plus de treize siècles par des échanges multiples avec le monde arabo-musulman :
contacts politiques et commerciaux dès le haut Moyen Âge ;
guerres et batailles dont la légendaire histoire qui raconte que Charles Martel arrêta les Arabes à Poitiers en 732.
influences littéraires, notamment dans la tradition des troubadours, largement inspirée de la poésie arabo-andalouse ;
transferts architecturaux, visibles jusque dans l’art roman, nourri des savoir-faire développés en Espagne andalouse ;
croisés partis en Terre sainte et devenant arabes au sein de leurs « Royaumes francs » en Orient ;
importance d’Averroès dans les Lumières françaises comme l’a rappelé Jean-Luc Mélenchon lors d’une audition d’une commission parlementaire sur l’islam en France ;
relations contemporaines issues des dynamiques coloniales, migratoires et culturelles.
Ces liens ont façonné durablement la culture française. Ils rappellent que la France est certes un pays laïque, qu’il est surtout un pays d’athées, et qu’il fut un grand pays catholique puis protestant, mais qu’elle est aussi un territoire marqué par des apports arabo-musulmans pluriels et anciens. Cette réalité constitue une richesse culturelle et diplomatique majeure que vous devriez mettre en avant dans vos démarchages et vos négociations.
Valoriser les compétences françaises pour renforcer la présence à l’international
Dans cette perspective, il est essentiel que les entreprises culturelles françaises mobilisent les ressources arabophones présentes sur le territoire national. Qu’ils soient d’origine arabe ou non n’importe pas puisqu’ils sont Français.
La France dispose d’un vivier de professionnels hautement qualifiés, maîtrisant l’arabe classique, l’arabe culturel, ainsi que l’anglais et le français à un niveau d’excellence. Ils sont capables de produire des contenus exigeants, adaptés aux standards internationaux, et sensibles aux nuances culturelles indispensables à tout projet dans le monde arabe.
Ne venez plus en Arabie Saoudite sans avoir du personnel français arabisant.
Recourir systématiquement à des compétences externes ou étrangères, alors que ces profils existent en France, revient à négliger un atout stratégique majeur et à donner une image affaiblie d’une filière française pourtant riche de sa diversité culturelle.
Un enjeu de crédibilité et de respect mutuel
Pour s’implanter durablement dans les pays du Golfe persique (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Qatar, Oman, Koweït) les entreprises françaises doivent démontrer qu’elles peuvent produire en arabe.
Produire en arabe ne peut pas être un simple service additionnel.
Assumer et mettre en valeur la pluralité culturelle française est également un levier diplomatique puissant, en cohérence avec l’histoire millénaire de la France.
Investir dans les compétences arabophones françaises
Pour accompagner ce mouvement, la Sagesse Précaire peut activer ses réseaux afin de mettre en relation les entreprises avec des Français arabophones formés, expérimentés et capables de répondre aux exigences des partenariats internationaux. Appelez le Sage précaire si vous rencontrez des difficultés pour trouver les perles rares qui vous feront briller : mon carnet d’adresses est plein de profils français arabes excellents.
Ma lettre touche à sa fin. Il me reste un argument pour vous convaincre d’assumer votre dimension orientale : vous vous enrichirez ! La réussite des entreprises culturelles françaises dans le monde arabe repose sur une stratégie claire qui tourne le dos aux discours identitaires et embrasse enfin la France dans son histoire arabo-musulmane.
Quand on vit à Munich, on vit dans une région qui s’appelle la Bavière. Et qui dit Bavière dit Alpes bavaroises. Et qui dit Alpes dit neiges, froid, frimas et glaçons.
Nous sommes allés dans les Alpes bavaroises pour un weekend en amoureux, et devinez ce qu’on y a vu ?
Un chemin qui s’appelle Philosophenweg.
Le chemin des philosophes.
On ne pouvait pas ne pas l’emprunter consciencieusement.
Chacun de nos pas était compté.
Au préalable, nous fîmes quelques emplettes dans une boutique munichoise spécialisée dans des articles de montagne. C’était le « Black Friday », ne me demandez pas ce que c’est, grâce à quoi nos chaussures de marche coûtèrent bien moins cher que ce qu’elles coûtent à tous les blaireaux qui font leurs emplettes en dehors du Black Friday.
Friday signifie vendredi en anglais. Black se traduit par noir. Il s’agissait donc d’un « vendredi noir ». Je suppose que le but de cette opération anglophone était de commémorer un jour sombre de type attentat, crack boursier ou catastrophe naturelle. D’où la réduction des prix pour des articles de montagne de type souliers de randonnée. Nul doute que la Bavière cherchait ainsi à inciter les Munichois à s’équiper plus sérieusement en prévision de leurs week-ends à la montagne : munissez-vous d’un équipement sportif digne de ce nom pour éviter les catastrophes climatiques et les avalanches dont on célèbre la mémoire en ce vendredi noir.
D’ailleurs j’y songe, ce jour où nous fîmes ces emplettes était un vendredi. Pas plus sombre que d’habitude, mais un vendredi. C’est peut-être pour ça que la vendeuse nous parlait de Black Friday ! Les pièces du Puzzle commencent à se mettre en place.
La nuit, dans l’hôtel de Garmisch, nous avons oublié de fermer la porte-fenêtre de notre chambre. Nous avions tiré les rideaux sans y prêter attention.
La nuit noire du Black Friday s’est avérée perfide. Je suis tombé malade d’une fièvre pure qui m’a cloué au lit pendant deux jours.
Aujourd’hui, 1er décembre 2025, ce blog a atteint exactement le même nombre de vues que pour toute l’année 2024.
Vous le voyez sur ce graphique : +0 (0 %) signifie que cette année est strictement égale à l’année dernière en termes de vues.
L’année dernière, nous avions atteint ce nombre au dernier moment, dans les arrêts de jeu. Cette année La Précarité du Sage fait donc un peu mieux, avec un mois d’avance sur ces échéances. Il s’agit d’une remarquable stabilité et d’une croissance qui se tient à la limite de la stagnation.
Écoutant les énormités qu’il proférait en 2021, en préparation des élections présidentielles de 2022, je prédisais dans ce blog une chute physique de Michel Onfray, un accident médical, je sentais chez lui monter une catastrophe intime touchant sa vitalité même.
Les émissions dont il se rend coupable depuis quelques semaines confirment ma prophétie mais d’une manière insoupçonnée. Le philosophe est devenu fou. Sa chute, je ne m’y attendais pas, est simplement psychique. Il se met à parler de multivers, d’astronomie délirante digne d’une secte sans queue ni tête. Il est passé de l’autre côté de la barrière sanitaire.
On a perdu Michel Onfray, mais loin d’être prostré, il se porte bien et bavarde à qui mieux mieux dans un climat de psychose grassouillette.
Il est devenu la risée des comédiens de réseaux sociaux, comme le montre le sketch de Guillaume Meurice diffusé hier dans son émission comique du dimanche. Pour faire rire, il n’y a même plus besoin d’interpréter les paroles d’Onfray : diffuser des séquences entières en l’état est suffisant.
Je pourrais prendre un ton compassé, comme quand on assiste à l’internement d’un ami pris de bouffées délirantes. Mais je me dis que la chute de l’écrivain peut se muer en une dernière période riche de sa carrière. On ne sait jamais : il va peut-être nous régaler avec des fusées réactionnaires de plus en plus maladives et chatoyantes ! Ne désespérons pas, au contraire, prions qu’Onfray termine sa carrière en feux d’artifice d’aliénés et nous gratifie de délires aussi drôles que poétiques.
Regardez ce mouvement du chasseur ! La gravure rupestre que je place en tête de ce billet m’est apparue dans un chaos de rochers dans la région de Wadi Disah. Mon vieil ami bédouin, après m’avoir fait crapahuter, avait de nouvelles surprises à me révéler.
Les ancêtres néolithiques des Arabes savaient créer de véritables scènes de cinéma. Homme armé et protégé d’un bouclier, le lion semble être sur la défensive. Cela ressemble autant à une chasse qu’à un combat de gladiateurs préhistoriques, où un homme seul affronte une bête féroce.
Cette autre gravure m’intéresse pour cette ligne ondoyante au centre de l’image. J’ai spontanément songé que c’était une stylisation de la rivière ou du wadi qui séparait deux paysages, deux tribus ou deux systèmes de chasse.
Il m’a paru évident que c’était un ancêtre épigraphique des hiéroglyphes d’Egypte. Un long signe qui participe à la fois de la représentation et de la signification.
À moins que ce ne soit un serpent monstrueux, une espèce de monstre du Lochness arabique. Un être mythique qui tient du dragon chinois et qui préside à la création de l’univers.
C’est l’avantage et la limite de découvrir des sites archéologiques. Il n’y a aucune raison de s’interdire a priori la moindre interprétation.
Notre pérégrination avec l’ancêtre bédouin Abu Mahdi nous mena vers une mosquée perdu au pied d’un montagne. C’était l’heure de prier.
Il y avait assez d’eau dans les citernes pour faire nos ablutions et nous nous refîmes une virginité avec quelques traits de filet d’eau éclaboussé et une demie-douzaine de versets coraniques chantés et psalmodiés.
Sortis de la mosquée, nous avions encore de nombreux paysages à traverser et Abu Mahdi s’impatientait car il était le seul à savoir tous les trésors nabatéens qu’il nous restait à découvrir. Comme il ne nous disait rien à l’avance, je croyais à chaque minute que c’était la fin du voyage et qu’on avait fait le tour des découvertes.
Seule la tombée du jour a pu sonner la fin de notre excursion.