A la sainte Catherine, tout bois prend racine.

1416996008861

Il faisait très humide et très doux sur mes parcelles. Je me frayais un chemin avec mon arbre à la main, une houe et un arrosoir.

Il m’a fallu du temps pour retrouver ma source. Elle n’est pourtant pas cachée dans la forêt, mais il faut être un peu sourcier, comme mon frère qui l’a repérée autrefois. Il faut être sourcier ou sanglier, car les sangliers viennent volontiers se rouler dans la souille que ma source offre à l’année aux animaux de la forêt.

Au fond d’un renfoncement, l’eau est bien là, ignorée de tous, méprisée par les législateurs de Bruxelles qui ne la trouvent pas assez potable. L’eau était bien là, pure et fangeuse comme la sagesse précaire. Trouble et innocente comme le sage précaire. L’émotion de me trouver devant cette source est indescriptible. Un mouvement irrationnel me pousse à voir une sculpture de la vierge dans la roche. J’y mettrai sans doute, un jour, une déesse des ondes, pour surveiller les nymphes échappées de mes rêves.

En contrebas de la source se trouve un grand espace ouvert, sui sera le centre de vie de mon terrain. Aujourd’hui, comme la terre y est bonne et humide, il y pousse une végétation luxuriante hiver comme été. Une terrasse de toute beauté y verra le jour bientôt, un lieu de méditation et de plaisir. J’y planterai des arbres fruitiers et j’y bâtirai une petite cabane qui se fondra sans le paysage.

Pour l’heure, j’ai empoigné la houe et ai éclairci une dizaine de mètres carrés, pour placer mes deux cerisiers, pionniers de ma colonie. Pendant que je travaillais la terre, je laissais reposer les cerisiers dans l’eau de ma source, pour qu’ils s’habituent à l’eau magique qui les nourrira jusqu’au siècle prochain. Car ces cerisiers, ils sont comme moi, ils sont condamnés à durer. Il faudra s’y faire.

1417013059286

C’était le 25 novembre, bonne fête à toutes les Catherine. La nuit tombait quand j’avais terminé de mettre mes arbres en terre. La brume entourait les montagnes en face de moi.  La source faisait glouglou car aujourd’hui, selon le proverbe, « tout bois prend racine ».

Dans les herbes hautes

MAI 2014 209

Courir autour de l’étang de Saint-Bonnet est une joie simple que la sagesse précaire recommande à tous ses membres, affiliés ou adhérents.

Il est courant qu’un sage précaire soit gourmand, faible devant les tentations. Pour qu’il admette de courir, il faut lui promettre encore plus de plaisir.

MAI 2014 184

Alors tous les matins, il chausse des runners et va tourner autour de l’étang. C’est un bon terrain de course, avec plusieurs types de terrains, rocailleux, herbeux, goudronnés.

MAI 2014 200

Il traverse des petits bois et grimpe sur des collines qui surplombent l’étang. Il s’agit d’une réserve naturelle avec, paraît-il, des espèces animales tout à fait rares en Europe.

Les seuls animaux qu’on aperçoit, c’est un rapace majestueux, peut-être un faucon, qui plane au-dessus de l’étang.

MAI 2014 211

Pour redescendre vers la ville, le sage jogger traverse une belle clairière où l’herbe est haute, parsemée de fleurs.

En mars et avril, l’herbe de cette clairière était encore basse, mais en mai, quand elle a monté, on pouvait se cacher dans un coin, et disparaître au monde.

Allongé sur le dos, le sage précaire pouvait se mettre torse nu et s’étirer tant qu’il le voulait, sans que personne le voie. Il pouvait faire des pompes, travailler ses abdominaux, avec pour seul compagnon l’aigle, le vautour ou le condor du Dauphiné qui tournoyait au-dessus de la réserve.

MAI 2014 214

Le corps du sportif écrasait l’herbe et aménageait un petit lit. Une cachette d’où il pouvait voir passer les promeneurs et les joggeurs, sans être vu.

Tous les jours, il quittait le sentier et retrouvait sa couche loin des regards. Elle était là, fidèle, intouchée. Personne, dans la ville nouvelle, n’avait pensé à se faire un petit tapis d’herbe, et personne n’avait profité de celui-ci.

De là, en sueur, confortablement allongé dans la campagne ensoleillée, le sage précaire entrecoupait ses efforts par des séances de sieste bien méritées.

MAI 2014 216

Silicon Valley (7) Sky road

Sky road

Avant de me laisser leur maison et leur voiture, mes amis m’avaient rempli une feuille blanche de recommandations en tout genre. Je n’ai pas eu le temps de tout faire, mais je suis allé sur la route de crête qui longe du nord au sud la Silicon Valley.

Autour de Palo Alto

A quelques kilomètres des grandes entreprises que tout le monde connaît, on gare sa voiture et on se retrouve dans des montagnes qui font penser au sud du Massif central.

Je me suis promené quelques heures au bon soleil d’automne sur ces chemins vallonnés du Long Ridge Open Space Preserve.

Sky road, Silicon Valley

Rien de sauvage là-dedans, mais une organisation admirable : des présentoirs en bois donnent des informations sur le lieu, affichent la carte des chemins de randonnée, et mettent même à la disposition des visiteurs des dépliants comportant de précieuses cartes. Je me suis servi, impressionné par une telle civilité. Un dispositif incroyablement important, au vu de l’occupation minimale de ces espaces par la population. Tous les parkings étaient vides, et je n’ai rencontré personne dans toute ma déambulation, motorisée et pédestre. Moins il y a de gens, plus les services sont élaborés.

Sausalito 2 037

D’autres panneaux nous informent de la présence éventuelle de lions de montagne, qui sur la photo ressemblent plutôt à des tigres. Il doit y avoir une autre traduction, en français, que « lion de montagne ».

Sausalito 2 045

N’écoutant que mon courage, j’ai poursuivi ma promenade et me suis repu d’une douce nature qui fait de la Californie, véritablement, un paradis sur terre.

Stevens Creek, Silicon Valley, Californie

Sausalito 2 041

Sausalito 2 046

Robert, le gentleman

J’ai quitté il y a peu la superbe maison de banlieue de Rob, un Anglais nord-irlandais expatrié en Californie. Cet homme est la quintessence de ce qu’on entend par « gentleman ».

Avec le football, Henry Purcell et les Monty Pythons, le concept de gentleman est le plus grand apport des Anglais à la civilisation européenne. Un équilibre savant de chaleur humaine, de générosité, de distance polie, de respect fanatique pour la vie privée, de retenue et d’humour. Un mélange de modération et de passion, qui fait du gentleman, non un homme tiède, mais un aventurier téméraire qui ne cherche pas à se la raconter.

Le gentleman est un homme passionnant qui préfère écouter les autres plutôt que parler de lui. Il ne se limite pas à être poli, il sait aussi être intéressant et chaleureux.

Robert m’a invité à  venir chez lui alors qu’il ne me connaissait pas. J’étais seulement un ami de ses parents, que j’ai connus à Belfast, et revus dans les Cévennes. Par solidarité familiale, Robert m’a donc ouvert la porte de sa maison pour autant de temps que je le souhaitais. J’ai essayé de ne pas abuser de sa gentillesse, et pour cela suis parti avant la date prévue. Il est des gentillesses qui sont si désarmantes que le sage précaire les trouve incandescentes.

Il est venu me chercher à l’aéroport de Los Angeles et m’a emmené dîner avec ses amis, dans un des restaurants bio de la plage de Venice. J’ai pris un Burger d’agneau. Quelques jours plus tard, il m’a conduit, avec d’autres amis, au concert du supergroup Atoms for Peace, à Santa Barbara.

(Un supergroup, c’est un groupe formé par des membres de groupes déjà connus ; en l’occurrence il s’agissait du chanteur de Radiohead et du bassiste des Red Hot Chilli Pepper.) (Et Santa Barbara, c’est une ville balnéaire à une heure, au nord de LA, et non le titre d’un soap opera.)

Robert vit dans une grande maison, dans une ville de banlieue de Los Angeles. Le nom de sa bourgade est beau comme un mythe : Thousand Oaks (mille chênes). On imagine tout de suite des tribus amérindiennes y fumer le calumet. Les colons européens y ont fait pousser une ville de lotissements et de centres commerciaux extérieurs. Des maisons hors de prix, construites à la va vite, et que le moindre ouragan fera voler en éclats.

Ingénieur dans une grande entreprise de haute technologie, Robert s’est rendu indispensable et s’est vu offrir un job dans la capitale du XXe siècle. Il a choisi cette maison pour une raison étonnante : le sol est couvert de moquette, ce qui est préférable pour ses chiens.

Tous les matins et tous les soirs, les deux chiens (un labrador et un bâtard) sautent dans le coffre de la voiture et vont s’amuser dans un « dog park », à quelques centaines de mètres de la maison. En bordure d’autoroute, dans un lieu trop bruyant pour les humains, la municipalité a cerné par une grille un territoire double, pour les chiens assez gros d’un côté, et pour les chiens tout petits de l’autre. On y croise de magnifiques chiens de race, des dalmatiens, des levriers, des bergers blancs, et autres saint-bernard (celui-ci je l’invente, mais il me fallait un nom de race, et je n’en connnais pas tant que cela).

La communauté des amoureux des chiens se rencontrent ici, et taillent des bavette de gentlemen en atttendant que leurs animaux aient terminé de se renifler le cul.

Et c’est ainsi que se déroule la vie de Robert, au soleil de la Californie, entre ses amis, sa chère et tendre, et ses chiens, dont il sait apprécier les moindres nuances psychologiques.

Les chasseurs sans culottes

Mon ami ornithologue me parle des chasseurs.

Curieusement, il n’y a pas de haine ni d’animosité dans sa voix. Pourtant, ce sont eux, surtout, qui perturbent les aigles et leur nidification. D’ailleurs, autrefois, les aigles auraient été des oiseaux de plaine ; ce n’est que repoussés par des persécutions diverses qu’ils ont dû trouver refuge dans des endroits plus escarpés, plus difficiles d’accès pour l’homme. D’où l’association que nous avons coutume de faire entre l’aigle et les cimes.

Mais Gérard refuse de mépriser les chasseurs. « Ils sont là, c’est avec eux qu’il faut négocier, c’est tout, il faut les prendre tels qu’ils sont ». Ce que j’entends, sous les paroles explicites de l’ornithologue, c’est que les chasseurs partagent avec les protecteurs des oiseaux peut-être davantage qu’ils n’oseraient eux-mêmes se l’avouer. Ils savent quelles espèces sont protégées, et usent de mille ruses pour contourner plus ou moins les lois de protection, ce qui signifie que les chasseurs sont, après les ornithologues, et loin devant les élus et électeurs d’EELV, les meilleurs connaisseurs du monde des oiseaux.

Arrêt sur un col, j’ai oublié lequel. On voit le Ranc de Banes au loin. C’est joli, comme nom, « Ranc de Banes ». Gérard entend le chant d’un piaf dont j’ai oublié le nom. Il sort l’ouvrage de référence sur les oiseaux, écrit par des anglo-saxons et publié en Suisse. Les Anglais sont paraît-il très forts, en oiseaux. Gérard regrette que les Français soient plus prompts à s’inscrire dans des sociétés de chasse plutôt que dans des associations de protection des oiseaux.

Il explique ce phénomène par l’histoire. L’importance de la chasse remonte à la révolution française, quand la chasse fut soudain démocratisée, et que le privilège de chasser sur les terres d’un seigneur se transforma en droit populaire. Depuis, c’est un sport et une activité populaire et « revendiquée comme telle ». Cela explique qu’en Angleterre le rapport chasseurs/ornithologues soit inverse : il y a outre Manche bien moins de chasseurs, car la chasse est restée un privilège de classe (la chasse à cour, la chasse au loup, la chasse au renard), et les associations de protection des oiseaux comptent trois fois plus d’inscrits que leurs homologues françaises.

Cela donne une nouvelle image des chasseurs français, incidemment. Loin d’être de simples viandards, ils me paraissent soudain les dignes descendants des sans culottes, bougonnant et faisant un sort aux privilèges et les conservatismes de la ploutocratie.

Arrivés au col de l’Asclier, devinez à quel endroit exact nous nous installons, et posons le trépied du télescope ? (ce n’est pas pour me vanter, mais quand je pars sur le terrain avec mes amis ornithologues, nous emportons un télescope.)

Réponse : derrière une haie de genêts séchés, qui forment une espèce de cachette. Ces haies sont construites par les chasseurs qui se postent là quand ils tirent la « palombe » (Gérard dit « pigeon ramier »). Donc, comme par hasard, ornithologues et chasseurs partagent les mêmes postes et les mêmes constructions.

Une même passion et de similaires attentes. Un même art de la patience.

Un même oeil acéré et, comme dit le philosophe, un même « devenir animal ».

L’Aigle royal et l’ornithologue

L’épicerie du village est souvent tenue ces temps-ci par une délicieuse personne née dans un village voisin. Ayant terminé ses études, elle repose un peu son âme en travaillant dans un endroit paisible, avant de se lancer dans la recherche d’emploi adaptée à sa formation.

Elle me présente son ornithologue de père, qui est d’accord pour que je l’accompagne dans des sorties d’observation, et que je fasse, le cas échéant, un documentaire radio sur les oiseaux de la région. Gérard est un instituteur à la retraite, grand, mince et moustachu. Sa fille m’en a parlé avec admiration, comme un homme d’une timidité maladive. Or, notre première rencontre se passe bien, il me parle des oiseaux de la région avec précision et didactisme. Il me donne rendez-vous un matin, à 7h30, pour aller observer au col de l’Asclier.

Gérard fait partie des rares ornithologues capables de reconnaître les oiseaux à l’oreille. Il connaît toutes les espèces dites communes. Il me parle des plus petits jusqu’aux plus grands rapaces. Nous avons la chance d’avoir des couples d’aigles royaux qui nichent dans la région. Dans les années 80, il n’y avait plus que neuf couples, dans tout le massif central ; aujourd’hui, il y en a plus de trente. L’aigle royal est le plus grand des rapaces d’Europe, il n’y a guère que la harpie féroce, en Amérique du sud, ou le condor des Andes qui le dominent dans le monde.

Entendre parler des aigles me fascine. Ils nichent dans des « aires » (c’est le nom du nid d’aigle) qui sont parfois vieux de plusieurs siècles et qui servent de maisons à des générations et de générations de rapaces. Parfois un grand corbeau vient investir une aire, mais peut se faire expulser par un aigle qui en a besoin, et qui ne confond jamais une véritable aire et un quelconque nid de corvidé. L’aigle est animal de territoire. Des kilomètres de périmètre, sur lequel il règne en souverain, imposant sa présence aux yeux des autres aigles en faisant des figures spécifiques dans le ciel.

Mon jardin suspendu fait partie de leur territoire de chasse et cela me fait frissonner de bonheur. Peut-être un de mes chatons sanguinaires s’est-il fait enlever par les serres impitoyables d’un de ces rapaces à la vue perçante ? Les aigles voient et analysent des informations à plus de dix kilomètres.

Pour être plus précis, le terrain de mon frère n’est pas exactement sur le territoire d’un couple, mais à la jonction de trois territoires, donc cela fait trois fois plus de chances pour moi de voir des aigles royaux. Alors les rapaces que je vois planer quelquefois, quand je suis nu dans ma baignoire d’eau de source, sont-ce des buses, des faucons ou des aigles ? Je veux croire que ce sont des aigles royaux qui tournoient au-dessus de moi, et qui scannent de leur regard inhumain les pauvres actions du sage précaire à l’assurance oscillante.

La chatte au jardin suspendu

Bon, c’est officiel, ma chatte est enceinte. Et elle m’a élu comme le maître le plus adéquat pour s’occuper d’elle. Elle fait des efforts pour être sympa, elle ne boude plus mes croquettes, elle arrête son chantage affectif, elle ne lance plus ses ultimatums usant pour les nerfs.

Elle me refait le coup de venir mettre bas chez moi, sur le terrain de mon frère. Peut-être sent-elle que je suis sur le départ, et veut-elle me contraindre à rester. Une technique attendrissante, mais qui n’aura pas d’effet majeur sur la conduite géographique de la vie du sage précaire.

Ma chatte a enfin adopté le jardin suspendu, où je passe les matinées, avant que le soleil ne nous inonde. Quand elle était petite, elle venait me rejoindre quelques minutes, mais je sentais que c’était juste pour me demander de redescendre à la cabane et de lui trouver un truc à manger.

Ces jours-ci c’est différent. Elle se promène, elle slalome entre les pierres blanches et les légumes. Elle chasse et s’amuse. Elle boit dans les points d’eau que j’ai aménagés.

Elle joue beaucoup plus avec les recoins, les anfractuosités, les dénivelés, enfin tout ce qui est fun dans la vie rêvée d’un chat. Elle exploite enfin les potentialités du lieu.

Et elle aime se poster aux frontières du territoire. Le muret qui délimite le début du sous-bois, le gros rocher surplombant, tous les espaces intermédiaires, la chatte les adopte. La chatte aime les entre-deux, les intercessions, les zones liminaires.

Ce n’est pas pour rien qu’elle se partage entre plusieurs maîtres, qu’elle refuse de choisir entre la vie sauvage et le confort des familles humaines. Et que parmi les différents maîtres humains, elle préfère finalement le sage précaire, lui-même sujet liminaire.

La saga des chats

15 août – Retour des chatons

A la mi-août (ah ah ah), deux des quatre chatons sont revenus. La chatte était arrivée deux jours plus tôt, pour tâter le terrain et introduire ses enfants chez moi. Elle s’assurait que je reconnaîtrais les petits, puis elle repartit vivre sa vie.

Les chatons sont maintenant des espèces d’adolescents. Ils jouent beaucoup et restent longtemps sans manger. Certaines nuits, le noir vient ronronner sur moi. Ils adoptent le jardin suspendu, où ils restent la journée entière. Le gris, en revanche, est très farouche et n’a pas l’air habitué de vivre avec des êtres humains.

 

30 août – Le matou

Un nouveau chat est en train de se faire accepter chez moi. Le matou noir qui n’est autre que le géniteur des chatons. Ces derniers ont disparu récemment, et le matou les remplace. Il fuit beaucoup, mais il sait revenir, et faire des allers-retours. Il sait s’imposer avec finesse. Il ne monte pas sur les tables. Il a de grands yeux et un corps très fin, très affûté. Il miaule de manière étrange, des petits miaulements étouffés, d’une voix sans souffle et sans musicalité.

Il me suit au jardin suspendu et n’hésite pas à aller faire des courses dans la forêt.

C’est un matou sauvage.
4 septembre – Enième retour de la chatte

Encore une fois, on miaule derrière la porte de la cabane. Cette fois, c’est la chatte blanche.

C’est un éternel retour, ces chats.

Elle se frotte, elle miaule, elle est en manque d’affection, elle boude même un peu de croquettes. Mais ses poils sont longs et elle les perd sur mon pull. Elle me suit dans le mazet, sur le bureau où j’écris ces mots. Elle va voir les bougies allumées, elle les renifle, fait la grimace, retourne dans tous les coins du mazet.

Elle me paraît un peu lourde.

Ne serait-elle pas enceinte ?

Plus je la vois évoluer, plus elle me rappelle sa façon d’être en mai dernier, quand elle était grosse.

Absence de chat

Je sais, j’ai déjà écrit un billet avec le même titre, l’année dernière. Mon chat avait en effet disparu, et je l’avais cru victime d’un renard ou d’une sauvagine. Revenue chez moi pour mettre bas et donner une belle petite enfance à ses chatons, j’ai cru ma chatte de retour pour de bon.

L’autre matin, l’intuition que j’avais eu la veille se confirme : plus de chats. Les croquettes sont intouchées, et personne ne somnole sur les lits de la cabane. La chatte m’a encore abandonné, cette Pomponnette! Peut-être a-t-elle amené ses petits vers une famille plus nourrissante, qui donne des boîte de ronron plutôt que ces croquettes sèches comme des pierres.

Dès que les chatons ont atteint l’âge qu’avait la chatte quand elle a disparu, ils disparaissent à leur tour. Peut-être reviendront-ils l’année prochaine. Les femelles, s’il y en a, viendront mettre bas elles aussi.

Il faudra ouvrir l’oeil, quand ils auront l’âge de procréer. Ce serait drôle que des générations de félins prennent ce terrain comme leur lieu de reproduction. Les étés seront pleins de chatons espiègles, que  nous tuerons en août.

Mâle dominant chez le chaton cévenol

La chatte revient de sa chasse avec une taupe noire dans la gueule. Les chatons sont tout excités et tournent autour de leur mère en miaulant sauvagement. Un petit gris attrape la taupe et va jouer avec un peu plus loin. Les autres veulent le rejoindre mais il les tient à distance avec un geste d’une rare violence. Etonnamment, les trois chatons reculent et laissent la taupe à leur frère. Chaque fois qu’un chat s’approche, le gris grogne de manière à effrayer le prétendant. J’ai devant les yeux une scène de constitution de ce qu’on appelle un mâle dominant. Un seul peut tenir en respect une troupe entière par la seule conviction qui est la sienne d’être dans son plein droit et par l’affichage d’une capacité immédiate de violence. Le groupe ne sent pas que le jeu en vaut la chandelle et se désunit très vite.

A la faveur d’une manœuvre de diversion, le gris lâche la taupe et un petit noir l’attrape pour l’apporter ailleurs. Il se fait respecter de la même manière que son frère, et même le premier gris, à la tête de lion, n’ose plus s’approcher.

Le mâle dominant est donc une notion flottante, et s’attribue aux individus qui possèdent la proie.